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jeudi 19 juin 2014

Claude Duneton


Claude Duneton, né en 1935 à Lagleygeolle en Corrèze et mort à Lille le 21 mars 2012, était un écrivain, romancier et traducteur, historien du langage, chroniqueur au Figaro Littéraire, comédien et bien d'autres choses encore.
 
Il fut professeur de Français et d'Anglais dans les années 60 au collège de Milly qui était alors, avec le même nom, dans les murs de l'actuelle école Jean-Cocteau.
 
Il s'en souvint quant il écrivit « La puce à l'Oreille » qui le fit connaître comme un dénicheur d'expressions dont il cherchait, autant que faire se peut, à retrouver des origines attestées.
 
 

A propos de la connivence de langage nécessaire entre les gens, il écrivit ceci dans ce livre :
 
 
« Il y a trois ans, j'ai eu l'occasion de comparer d'une façon précise l'ambiance des cafés de la région parisienne et celle qui règne dans les cafés de chez nous. Par hasard, j'ai passé de longues heures, pendant plusieurs mois, dans un débit de boissons de Milly-la-Forêt, au sud de Paris. Je venais de résider en Corrèze, et une chose m'a frappé : les cafés de Milly-la-Forêt étaient beaucoup plus gais que ceux des petites villes, d'importance égale, de ma région. Je me suis vite rendu compte que les plaisanteries, les jeux de mots, les histoires drôles racontées par les consommateurs n'avaient aucun équivalent chez nous. En fait, ces gens du Hurepoix, (région comprise entre la Beauce et la Brie) cultivateurs, ou maçons, ou employés divers tout comme en Corrèze, maniaient le langage parlé avec une virtuosité et une invention remarquables : ils étaient réellement drôles. Seulement voilà : le français est leur langue authentique depuis toujours. Ils possèdent un français parlé avec lequel ils jouent, avec lequel ils savent plaisanter. Pour retrouver la même atmosphère de bonne humeur générale et de franche cocasserie, dans un petit café corrézien il faudrait remonter aux années 20, à une époque où les conversations s'y faisaient uniquement en occitan. De nos jours, les gens y sont beaucoup moins drôles, ils ne savent pas jouer avec la langue française et répètent, parfois, des blagues éculées du genre : « Comment vas-tu-yau de poêle ? » Ce n'est pas par manque de finesse, c'est tout simplement par manque de langage. Pour dire les choses poliment, ils sont à cheval sur deux proses... Et, bien sûr, comme on ne peut pas faire de jeux de mots sans mots, ce manque de langage devient un manque d'esprit. »