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samedi 22 août 2009

Une cave médiévale à Milly-la-Forêt

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Les travaux d'aménagement d'un terrain, effectués très récem­ment, rue Charles Cochin, à proximité du monument aux Morts, ont conduit à la mise au jour d'une cave médiévale. La destruction de l'ancien bâtiment qui occupait ces, lieux, ainsi que le creusement des tranchées destinées à recevoir les fondations d'un nouvel immeuble, ont fragilisé quelque peu les maçonneries de la cave, jusqu'alors parfaitement stables. Cet incident regrettable a entraîné la détérioration de certains joints et a emporté violemment le mur du fond d'une des absidioles, peut-être la seule qui n'avait pas subi de transformation.

I - DESCRIPTION
Au moment des travaux, l'accès à cette construction souterraine se faisait par un escalier, très probablement d'origine mais incomplet, orienté selon un axe sud/nord. Le dit escalier, autrefois abrité par une voûte en berceau, est réduit aujourd'hui à cinq marches monolithi­ques en grès, de dimensions quasi identiques. L'arrachement du ber­ceau qui le couvrait est encore visible à l'entrée de la cave proprement dite.
Cette dernière se compose d'une travée de plan carré, voûtée d'une croisée d'ogives encadrée de quatre doubleaux. Cet espace com­munique au nord avec une absidiole et à l'est avec deux autres excavations situées l'une en face de l'autre. La cave se poursuivait à l'ouest, comme l'indique l'arc doubleau pris dans un mur de construction moderne. Celui-ci obture une partie du monument, que nous n'avons par conséquent pas pu visiter, mais qui vraisemblablement, comporte une, voire plusieurs, autres absidioles.
La voûte d'ogives est formée de deux arcs diagonaux en plein-cintre avec claveaux chanfreinés. Les arcs doubleaux adoptent, quant à eux, un profil légèrement brisé, identique à celui des berceaux qui couvrent les absidioles. Le tout est construit en grès, très probable­ment extrait des carrières situées à proximité, dans la forêt. L'ensemble parfaitement appareillé reflète le goût du travail bien fait, si caractéristique des bâtisseurs du Moyen Age. D'après le style de construction, cette cave est datable du XIIIe ou du XIVe siècle.

II - COMPARAISONS
De nombreuses caves, connues dans la région, peuvent être com­parées à celle de la rue Charles Cochin. A Maisse , il en subsiste au moins trois dont une située dans la rue Grande. Leur plan consiste tantôt en une travée unique desservant trois absidioles, tantôt en un couloir flanqué de loges latérales. Deux autres constructions, à Flagy et à Grez-sur-Loing, ont été sauvées par le Centre de Recherche et de Documentation Médiévales et Archéologiques de Saint-Mammès. Il en existe aussi à Moret-sur-Loing, à Villemaréchal ou encore à Montereau-Fault-Yonne.
L'attention particulière portée à ces monuments n'est pas nouvelle. Déjà au siècle dernier, Léon Marquis, dans son ouvrage Recherches historiques sur Milly-en-Gâtinais, semble à juste titre apprécier ces vestiges de qualité remarquable. Alors qu'il fait état de la destruction du Moustier de Péronne, l'érudit précise : «... dans le jardin, on montre une ancienne et belle cave voûtée, à pilier central, pareille à celle du château ». Ce type d'architecture se retrouve dans la cave des Tem­pliers de Château-Landon ainsi que dans les innombrables salles voû­tées de Provins dont l'articulation des volumes diffère de celle des caves à cellules latérales.
Dans le même ouvrage, l'auteur mentionne la présence « d'une cave située au coin de la rue (aux Pelletiers) et de la rue des Juifs », sans donner davantage de précision quant à son architecture. Celle-ci compte sans doute parmi les nombreux vestiges médiévaux, qui per­cent le sous-sol de Milly, et dont bien souvent on ne soupçonne pas l'existence.
Dans l'actuelle rue Jean Cocteau, ainsi qu'à l'autre extrémité de la rue Charles Cochin ont été décelées deux constructions souterraines. L'une, située sous une propriété privée, est utilisée comme cellier, l'autre, jugée apparemment inutile, fut remblayée, paraît-il, il y a quelques années. On lui aurait souhaité un meilleur sort.
Il est inutile de poursuivre l'inventaire de ces caves pour en montrer la généralité et en souligner la fonction essentielle, sinon indispensable. En effet, le degré d'hygrométrie et la température constante de ces lieux permettaient d'y conserver les vivres et sans doute aussi quelques objets précieux, plus à l'abri de l'incendie que dans un bâtiment de surface. Il n'est pas exclu que les commerçants s'en servaient comme magasins pour entreposer leurs marchandises. On trouve parfois fixés dans les clefs de voûtes, des crochets auxquels on suspendait la viande.
Dans le centre ville actuel de Milly, quartier déjà très développé au XIIIe siècle en raison de l'intense activité commerciale qui s'y dérou­lait, semble donc exister un véritable réseau de caves moyenâgeuses qu'il serait enrichissant d'étudier. Celle de la rue Charles Cochin aura permis d'attirer à nouveau l'attention sur l'intérêt archéologique, his­torique et culturel que présentent de telles découvertes. Ce patri­moine, trop souvent ignoré ou mal connu, mérite pleinement de sortir de l'oubli et d'être sauvegardé.
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Katy PEUREAU
Centre de Recherche et de Documentation Médiévales et Archéologiques de Saint-Mammès
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Sources : Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Corbeil, de l’Essonne et du Hurepoix (1999).