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jeudi 5 décembre 2013

Jean Cocteau : Milly a changé mon existence



Pour clore cette année de commémoration du cinquantenaire de la mort de Jean Cocteau, nous avons le plaisir de vous présenter un interview de Jean Cocteau paru le 18 août 1949 dans "Le Journal de Seine-et-Oise".
 

JEAN COCTEAU : MILLY A CHANGE MON EXISTENCE


Comme j’interrogeais le grand géologue suisse, Elie Gagnebri, sur la nature des rochers de Fontainebleau, il m’expliqua que ce n’étaient pas des rochers mais une agglomération de sable de la mer datant de l’époque où la mer recouvrait notre zone. Et comme je lui demandais quand ma mer s’était retirée, il me répondit : « il y a trois cents millions d’années, ou trois cent milliards…, nous ne savons pas au juste ».

Le paysage à la mémoire longue. Je suppose que c’est parce qu’il se souvient de la mer qu’il offre, après mon bois de Milly, le spectacle étrange de la cote méditerranéenne. Sable blanc et puis, on s’y trompe. Et, parfois on croirait entendre la rumeur des vagues. On ne s’étonnerait pas, derrière les collines, de voir apparaître la mer.

Milly-la-Forêt a changé mon existence. Le travail des villes est dur, il nous oblige à vivre en proie aux légendes absurdes, et sans que nous le voulions, à nous donner en spectacle. Je viens encore d’en avoir la preuve à Biarritz où je tachai d’aider les jeunes du cinématographe. Les journaux ne relataient que le côté récréatif de l’entreprise au lieu de suivre notre effort.

Dès que j’arrive à Milly, tout change. Les halles merveilleuses, légèrement posées sur des pierres, l’église, les tourelles roses de ma maison, me douchent l’âme, et me réconfortent. L’eau de l’Ecole circule, se divise, baigne le sous-sol et c’est pourquoi les arbres se portent si bien et abondent.



Il ne suffit pas d’aimer une maison de campagne. Il faut qu’elle vous aime et vous accepte. J’ai acheté Milly parce que je m’y sentais à l’aise et affectueusement reçu. Voilà trois ans que j’habite entre le village et la forêt, trois ans que le village me communique son calme et la forêt ses sortilèges. Jamais je ne remercierai assez la chance qui m’a conduit en Seine-et-Oise. J’y suis né : à Maisons-Laffitte. Et j’espère, grâce à Milly-la-Forêt, y rester jusqu’à ma mort.

Jean Cocteau