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samedi 25 février 2012

Concours de Bigotphones du 1er juillet 1906 à Milly-la-Forêt

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Il y eut à Mily le 1er juillet 1906, un important concours de bigotphones. Voila ce que l’on pouvait lire dans l’Abeille d’Etampes du 14 juillet 1906 :

L’équipage d’un aérostat qui serait passé dimanche dernier, au-dessus de la petite ville de Milly, dans la brune qui toute cette journée voila l’ardent soleil, se serait assurément demandé ce qui pouvait causer ainsi une déformation des voix qui faisait que tous les habitants semblaient parler et chanter du nez. Il eut ouvert sa soupape et, redescendu, il eut été fort étonné d’entendre les voix mirlitonesques sortir de si gros instruments.

Nos lecteurs savent qu’à Milly, dimanche dernier, c’était la fête des bigotphones, sociétés de musique éminemment populaire, auxquelles la ville offrait un concours.

Qu’est-ce que le bigotphone ? Va-t-on demander.

Le bigot-phone, inventé par M. Bogot (?) est un mirliton perfectionné. Sur notre demande, un obligeant instrumentiste a tiré de son gousset une embouchure métallique d’instrument au col prolongé d’un tube d’environ 8 centimètres qui remplace le ro eau légendaire. Au milieu du tube, est aménagé une petite loge circulaire dans laquelle se place à frottement une bague nantie d’un fragment tendu de papier à cigarette, remplaçant la pelure d’oignon trop fragile. Cette bague s’appelle la pastille.

L’air poussé de l’embouchure, fait vibrer le papier à cigarette, et voila le mirliton – Le bigotphone disons-nous, constitué ainsi ; placé au bec d’un appareil tubulaire quelconque il simule – quant à la forme – tous les instruments qu’on voudra, même la flûte, et il suffira d’avoir une bonne voix… juste, pour y susurrer toutes les mélodies, tous les airs populaires ou non, de façon à produire un effet qui peut être agréable, suivant la voix qui le fait vibrer.



Tel est le bigotphone, ami lecteur.


L’inventeur a eu l’idée d’en former des ensembles, réunissant par la musique, et c’est dans ces conditions que les bigotphonistes ont été admis à figurer dans les concours, avec des morceaux imposés, classements divers, palmes et couronnes.

Parlons maintenant de la journée de dimanche à Milly et du concours spécialement organisé par le comité commercial des fêtes pour donner un attrait nouveau à la fête patronale de ce pays ; longuement préparée cette fête a provoqué une animation profitable au commerce du pays et mis en lumière, non pas précisément l’art musical, héros du jour, mais bien plutôt l’artistique adresse des couturières, et le charme, la joliesse des jeunes filles et jeunes femmes, leurs clientes que, fleurs gracieuses, nous avons admirées sur la promenade Saint-Pierre.

L’ornementation des rues, quoique moins complète que celle du concours de musique de l’année dernière, faisait néanmoins honneur à l’incontestable bon goût des habitants. Dès l’arrivée, sur la route de Maisse, se dressait un arc de verdure avec une inscription des plus accueillantes pour les visiteurs ; de même la place Grammont, la Grande-Rue s’ornaient de portiques de verdure avec les inscriptions « SOYEZ LES BIENVENUS ! » et « HONNEUR AUX MUSICIENS ! ». Dans chaque rue désignée pour le passage du défilé, des banderoles multicolores reliaient une maison à l’autre, et enfin la place de la Halle fleurie et pavoisée était limitée par des portiques de verdure. Par une attention délicate que tout de monde a pu apprécié, pendant la chaleur du jour un arrosage de toutes les rues de la ville avait été fait au moyen de la tonne mise à la disposition de la municipalité par le service de la voirie.

Avant le défilé

Le matin, à l’arrivé du train de Paris, les échos commençaient à se renvoyer les son aigus des bigotphones de deux sociétés locales la « Jeune France de Milly » et la « Fraternelle Milliacoise » auxquelles venaient bientôt se joindre les sociétés parisiennes. Disons-le, la gaieté de ces sociétés s’indiquait par la jovialité de leurs noms plus que par l’envolée des exécutions ; voici les Joyeux Kremlinois, la grappe de raisin de Belleville, les agrafes françaises du Bon Marché de Paris, le Réveil Matin du XIIIème de Paris, les amis de la bouteille de Villejuif, sans compter les maboules de Bagnolet, et d’autres encore qui s’étaient fait excuser.


Faut-il le dire : grande a été notre déception à la vue de ces divers groupes munis d’appareils en zinc peint affectant la forme des vrais instruments de cuivre, pistons, altos, trombones, contrebasses, peints en vert, rouge, ou bleu… Nous en étions encore au bigotphone en carton peint, et nous nous réjouissions de voir circuler dans la ville des groupes de volatiles, de bovidés, de serpents, de légumes mêmes ou de fleurs, servant de cors et de pavillons à l’embouchure sonore. Et comme çeut été plus pittoresque, plus drôle ! La forme n’eut rien fait au son, du moment que l’instrument était muni de l’invention de M. Bigot ! Nous en sommes restés aphone !!! Et c’est sans gaieté que nous avons suivi dans les salles de concours les membres du jury qui, courageusement ont écouté des imitations de fantaisies musicales exécutées par ces braves gens que la musique réunit, et dont la condition actuelle est de n’être pas musiciens. La plupart, en effet, ne connaissent pas une note de musique.

On juge par là de la patience nécessitée de la part des directeurs de ces sociétés pour empreindre la mémoire de chacun du son, de la mesure, du mouvement afférent à chaque partie. La lecture d’un morceau compliqué n’est rien en comparaison. Et tant de peine pour un mince résultat ! Ne vaudrait-il pas mieux leur apprendre le solfège ! Nous ne suivrons pas, faute de place, les phases de ce bizarre concours qui s’est passé successivement sous le préau des écoles et sous les tentes Duché et Léveque. Nous en donnerons plus loin le résultat.

Le défilé, place de la Mairie
Nous constaterons seulement le zèle, la conviction que montrent ses courageux exécutants jouant chantant en partie d’orchestre, simplifié sans doute des morceaux comme Mireille, le morceau imposé. Mais quel effet d’émotion obtiendrait, sur Magali, la bien-aimé, cette aubade poétique, ou le chant si clair des Magnanarelles dits sur le mirliton. Que le bigotphone se garde du grand art.

Nous avouerons d’autre part l’effet très agréable, très amusant de certains morceaux d’imitation, orchestrés très harmonieusement, et dont le genre s’accommode bien de la sonorité spéciale du bigotphone. De cela, sont Souvenir d’Auvergne, qui a été pour la société la Grappe de Raisin un succès très vif et très mérité.

Toute d’intention de critique mise à part, ce petit concours a parfaitement réussi et le public a fait fête à toutes les compagnies, qui l’ont intéressé ou amusé ; la jeune France, notamment une société de tous jeunes enfants conduite par le professeur de musique de Milly, a été partout applaudie.

A six heures, les divers groupes devant prendre part au défilé se réunissaient sur la place Grammont ; tandis que cette formation s’opérait, les oreilles des promeneurs quelque peu fatiguées par la perception pendant toute une journée des obsédantes vibrations de membranes bigotphoniques, étaient soudain « rafraîchies » par des vibrations d’une harmonie vraiment reposante ; c’était l’Union musicale de Milly, qui, sous la direction de M. Timbert, exécutait la marche des Pioupiou de France.

Si ce n’était plus là « la vraie amour » - refrain d’un morceau de concours – c’était du moins de vraie, de bonne musique dite par de vrais instruments et de fins instrumentistes. Nos voisins de Milly sont fiers, et à juste titre, de leur société musicale, réorganisée aujourd’hui grâce à la ferme et habile direction de son chef M. Timbert, et nous adressons à cette société et à son chef nos sincères compliments.

Défilé place de la Mairie
Les pompiers de Milly, commandés par leur dévoué lieutenant M. Chagot, toujours sur la brèche en toutes circonstances ouvrent la marche et le défilé, au son des joyeux pas redoublés, s’opère dans les rues de la ville accompagné par une foule compacte qui vient se masser devant la tribune installée sous la Halle.


Au fauteuil de la présidence prend place M. Bédu, l’honorable maire de Milly, qui ne refuse jamais ni du temps ni sa peine pour aider ses administrés à faire les honneurs de sa ville. L’assistent MM. Seguin et Baffoy, les dévoués président et vice-président du comité commercial des fêtes, ainsi que plusieurs conseillers municipaux et notabilités de Milly, les membres du jury et les membres du comité des fêtes, MM. Felix, Siroteau, Malle, Chagot, etc… qui virent récompensés par l’affluence du public leurs louables efforts pour donner un peu d’animation à la ville de Milly et à son commerce.

Distribution de récompenses


Les membres du jury, étaient, s’il vous plait, M. Gourdin, le propre tambour-major de la garde Républicaine, M. Naudin, éditeur de musique à Paris, fils d’un compositeur bien connu de Puisseaux, M. Chatpagne, chef de musique à Malesherbes et M. Timbert, le sympathique chef de l’Union musicale de Milly.

La cérémonie s’ouvre par la Marseillaise que joue l’Union Musicale et toutes les Sociétés viennent se grouper autour de M. Timbert pour l’exécution du morceau d’ensemble : Cordialement, qui fut également le morceau imposé aux Sociétés concourant en troisième division. Comme ensemble ce fut très satisfaisant et les applaudissements répétés retentirent longtemps dans la foule qui se pressait sur la place.

Quand enfin le silence fut rétabli, M. Siroteau donna lecture du palmarès des récompenses dont voici le détail :

Concours d’exécution

Prix d’exécution : une Couronne et 75 Francs à La Grappe de Raisin – 1er prix d’exécution : Une couronne de vermeil et 50 Francs, le Réveil Matin – 1er prix d’exécution : Palme de vermeil et 30 Francs, les Joyeux Kremlinois – 2ème prix d’exécution : Palme de vermeil et 20 Francs, l’Agrafe Française – 3ème prix d’exécution : Palme de vermeil, Les Amis de la Bouteille – Prix d’exécution : La Jeune France, une médaille de vermeil, Fraternelle Milliacoise, prix.

Concours d’honneur

Prix ex-aequo : La Grappe de Raison, une palme de vermeil : le Réveil Matin, une palme de vermeil et un Prix de direction, prix de soli à MM. Belin et Guidet.

1er prix d’honneur : Une palme, les Joyeux Kremlinois. Prix de direction, prix de soli M. Estival –

2ème prix d’honneur : une palme, l’Agrafe Française, prix de direction, prix de soli M. Beckerich Charles.

En outre, pour remercier de leur obligeance et précieux concours les Sapeurs Pompiers et l’Union Musicale le jury attribue à chacune de ces deux sociétés une médaille d’honneur.

La Marseillaise exécutée par toutes les sociétés musicales et bigotphoniques clôture à

7 heures du soir la principale attraction de la fête patronale Saint Pierre de 1906 dont l’organisation aura fait un grand honneur au savoir –faire et à l’ingéniosité des membres du Comité des Fêtes.


Pour tout connaître sur le bigotphone :