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dimanche 3 juin 2012

Fête à Oncy en l'honneur de Lantara


Dimanche prochain, 6 juin, une cérémonie touchante va se passer à Oncy, l'une des communes du canton du Milly . Des membres de l'Institut, des artistes illustres, une société d'élites, vont se transporter au village d'Oncy, et inaugurer dans la modeste chaumière qui l'a vu naître, le buste du peintre Lantara.

Simon - Mathurin Lantara s'est rendu célèbre comme paysagiste. II excellait surtout a représenter dans ses tableaux les différentes heures du jour. On sait que, dans sa  jeunesse, il gardait les bestiaux, lorsque la vue de l'admirable campagne et des beaux sites qui l'entouraient  lui révéla son génie.  II vint étudier à Paris, où sa réputation se répandit rapidement, mais si l'on en croit la tradition, il avait conservé de sa vie passée l'habitude de  l'indolence et le goût du vin. On croit même généralement quel était adonné à l'ivrognerie. Un vaudeville de Picard,  joué en 1809, et intitulé: Lantara, ou le Peintre au cabaret, a contribué  à répandre cette opinion  dans le public. Ce qui est certain, c'est qu'il vécu dans la misère, au jour le jour, et que, plus d'une fois, il paya ses dépenses ou ses créanciers avec des dessins ou des tableaux. Il mourut à l'hôpital de la Charité le 22 décembre 1778.
Au bas de son portrait, peint d'après nature par Watteau, se trouve ce quatrain qui résume toute sa vie :

Je suis le peintre Lantara,
La foi m'a tenu lieu de livre;
L'espérance me faisait vivre,
Et la Charité m'enterra.

On savait que Lantara était né aux environs de Fontainebleau ou de Montargis, mais on ignorait dans quel lieu. Un ami des arts, M. de la Chavignerie, de la Chapelle-la-Reine, et M. Sougit, ancien notaire à Milly, guidés par quelques indices, ont mis en commun leurs efforts. Après de nombreuses recherches, ils ont acquis la preuve la plus authentique que Lantara était né au village d'Oncy, le 24 mars 1729. Dans une brochure que nous recommandons à tous ceux qui aiment les arts (1), M. de la Chavignerie nous fait connaître les documents très-curieux qui viennent d'être découverts, et il donne sur Lantara, sur son caractère, sur ses ouvrages, les renseignements les plus complets qui aient paru jusqu'à ce jour. Cette découverte est une bonne fortune pour notre arrondissement, et désormais Lantara viendra augmenter le nombre des hommes illustres qui ont vu le jour parmi nous.

Huile de Lantara

Hier tout le monde s'occupait avec ardeur, à Milly et à Oncy des préparatifs de l'inauguration Les habitants notables de Melun et de Fontainebleau ont été conviés à cette fête de famille, et ils n'auront garde d'y manquer. A ce sujet, une réflexion bien simple vient à l'esprit ; Oncy est une de nos communes, et cependant la ville d'Étampes semble rester étrangère à un événement qui la touche de si près. On ignore généralement et l'heureuse découverte, et jusqu'à la fête de dimanche prochain. Tous ceux à qui nous l'avons annoncée en entendaient parler pour la première fois. C'est Fontainebleau, Melun et Corbeil qu'on appelle pour fêter Lantara; il est à peine question d'Étampes. Si l'on en cherchait les causes, on pourrait en citer plusieurs, mais la principale, c'est à coup sûr l'absence d'une route et la difficulté des communications.
Quoi qu'il en soit, nous espérons que les artistes d'Étampes et tous les amis de la peinture se rendront à Oncy pour honorer la mémoire de notre compatriote Lantara.

    (1) M. J.-B. Dumoulin, libraire-éditeur, quai des Augustins, 13

Sources : L'Abeille d'Etampes du 5 juin 1852

Décret de Louis-Napoléon en date du 10 juin 1852 approuvant la pose d'une plaque commémorative sur la maison natale du peintre Lantara




Dans notre numéro du 5 courant, nous annoncions à nos lecteurs qu'une fête devait avoir lieu le dimanche suivant, à Oncy, canton de Milly, en l'honneur du peintre Lantara. Plusieurs journaux ont rendu compte de cette fête, entre autres l'Illustration et l'Indicateur général de Seine-et-Marne. Nous extrayons les passages suivants d'une lettre publiée par ce dernier journal.

                        "A Monsieur le Rédacteur de l'Indicateur général.

                                        Monsieur,
Veuillez me permettre, comme témoin oculaire, de vous rendre compte d'une simple fête de village. C'est bien peu, direz-vous peut-être, pour vos nombreux lecteurs, accoutumés qu'ils sont au récit de plus grands événements : mais j'ai osé espérer qu'il se trouverait encore parmi eux beaucoup d'esprits assez honnêtes et de cœurs assez bien faits pour se complaire au récit de ces scènes de la vie humaine où la manifestation des plus nobles et des plus rares sentiments repose l'âme de l'affligeant tableau des désordres et des périls de la société.

Cette fête avait un pieux motif : on venait de découvrir qu'un artiste, qui a laissé une réputation méritée et des ouvrages estimés, était né au siècle dernier, dans le village d'Oncy : et les bons habitants de ce petit village, justement ambitieux de s'associer à la renommée de leur compatriote, qui fut d'abord un pauvre berger, ont voulu l'honorer par un témoignage de leur affection, et la consacrer par un modeste monument. Une inscription sur du marbre décore aujourd'hui le mur le plus apparent de la chaumière natale du berger devenu peintre.
Il se nommait SIMON-MATHURIN LANTARA; il naquit à Oncy, le 24 mars 1729, et mourut à Paris, le 22 décembre 1778.
Le vœu public a secondé le projet des habitants d'Oncy : une souscription a pourvu à toutes les dépenses; l'autorité publique a favorisé cette honorable manifestation, et, après l'approbation obtenue de M. le Ministre de l'intérieur, sur la demande de M. le préfet du département de Seine-et-Oise, le jour de la cérémonie a été fixée au dimanche 6 juin, et M; le Sous-Préfet d'Étampes a été officiellement délégué pour la présider.

Pour ce même jour, et d'après la convenance de M. le Sous-Préfet, président, le rendez-vous général avait été indiqué pour dix heures du matin, à la mairie de la commune de Milly, chef-lieu de canton du département de Seine-et-Oise.


Personne n'y a manqué : l'autorité municipale de Milly avait tout disposé pour assurer le plus gracieux accueil aux nombreux étrangers accourus pour la circonstance.
Le comité central des artistes, à Paris, s'y est fait représenter par MM. le baron Van-Tenac, Couder jeune, Legonisel et Guersant.
Des artistes renommés, que la belle saison ou de sérieux ouvrages ont réunis à Fontainebleu, MM. Auguste Couder, membre de l'Institut, ses amis et émules Schopin, Decamps, Biard, Joly; avec eux MM. Albert, Defouan et Tétaz, architecte, ancien prix de Rome, attaché aux travaux du Palais, se sont rendus à Milly, heureux de prendre part à l'objet de cette intéressante cérémonie.

M. le Maire de Milly et son adjoint, des membres du conseil municipal et M. le juge de paix du canton, étaient auprès de M. le Sous-Préfet; et le cortège, formé d'une nombreuse assistance, s'est mis en marche, ayant en tête la brigade de gendarmerie de Milly, une partie de celle de La Chapelle-la-Reine, et la belle compagnie de sapeurs-pompiers de Milly formant la haie.

Parvenu sur les limites de la commune de Milly, M. le Sous-Préfet a été reçu par M. le Maire et le conseil municipal de celle d'Oncy; une foule nombreuse, accourue des lieux voisins, encombrait la route et les abords de l'église, où le cortège s'est rendu pour assister au service divin; et, dans cette église, il n'y avait de places libres que celles que M. le curé avait fait réserver pour la cérémonie. Toutes les châtelaine du voisinage, parées pour un jour de fête, avaient voulu honorer, par leur présence, la mémoire du pauvre peintre d'Oncy. M. le docteur Trousseau, de Paris, membre du conseil général de Seine-et-Oise, et M. Achille Morisseau, dont le nom s'est fait remarquer dans la littérature politique, complétaient cette brillante réunion.

Après la célébration de la messe, M. le curé, accompagné de plusieurs autres ecclésiastiques, a conduit le cortège vers la chaumière, désormais historique dans sa paroisse.

Sur la place qui se trouve en face, une enceinte avait été préparée pour les autorités, les députations et les souscripteurs.

M. le Sous-préfet ayant occupé la place d'honneur, M. le curé a récité les prières de l'église pour la bénédiction du marbre monumental préalablement attaché à la chaumière; et, lorsqu'il a été découvert, les nombreux spectateurs ont eu devant leurs yeux  une grande plaque de marbre noir, sur laquelle on a lu l'inscription suivante, gravée en lettre d'or, dans l'intérieur d'un champ ayant la forme d'une tessère antique :

DANS CETTE CHAUMIÈRE
EST NE LE 24 MARS 1729 LE PEINTRE LANTARA
MORT A PARIS LE 22 DÉCEMBRE 1778
SOUVENIR DE SES CONCITOYENS.
1852

Une seconde surprise avait été réservée à la foule présente : au dessus de la tablette de marbre était un médaillon représentant, de grandeur naturelle, le portrait de Lantara, en relief et de profil, et ce joli morceau était un ouvrage et un don de l'habile auteur des sculptures décoratives de l'Hôtel de Ville de Paris, M. Guersant."

Nouvelle plaque inaugurée le 1er juin 1947
Après plusieurs discours prononcés par MM. Deszières, curé d'Oncy, de la Renomière, Morisseau, de La Chavignerie, l'Historien de Lantara, Van Tenac, président du comité central des artistes et ancien sous-préfet, et Auguste Couder, membre de l'Institut, M. de Lassus Saint-geniès, sous-préfet d'Étampes, a clos la cérémonie par ces mémorables paroles :

                        "Messieurs,

A peine arrivé dans votre arrondissement j'accours à cette fête artistique, et viens m'associer avec bonheur aux nobles sentiments qui s'y épanchent, au culte de l'art, à la reconnaissance d'une population entière envers un homme éminent dont elle revendique à bon droit le nom comme son bien, comme son bonheur.

Vous venez de découvrir quelle fut l'heureuse contrée où la nature féconde sut inspirer un simple gardien de troupeau, l'un de vos ancêtres, qui devint par son seul génie un peintre distingué; et aussitôt vous accourez avec des lauriers pour couronner et faire revivre cette mémoire injustement négligée, pour tracer sur le passage des générations futures la marque de l'honneur qui signalera désormais votre illustre compatriote à leur admiration.

Permettez-moi d'apporter aussi mes applaudissements; mais ils ne sont pas seulement pour le pauvre artiste à qui vous rendez son auréole de gloire; c'est à vous encore qu'ils s'dressent, habitant d'Oncy et du canton de Milly. En glorifiant les arts dans la mémoire d'un compatriote vous vous montrez à la foi des hommes de cœur et d'intelligence.

Dans un temps où le génie du mal a tenté d'envahir la France, où il menaçait naguère d'étendre son niveau mortel sur la société, vous savez rendre justice aux esprits supérieurs et vous protestez ainsi contre les doctrines du socialisme. - Honneur à Vous !

En manifestant des sentiments aussi élevés vous secondez la glorieuse politique du prince qui, le 2 décembre, sauva la civilisation, et qui, dans toutes solennités pacifiques, dans toutes les circonstances où la prospérité publique reçoit une nouvelle consécration, doit être salué de nos hommages reconnaissants.
Grâces lui soient donc rendues comme à vous ! Vous avez organisé une magnifique fête; mais le calme qui y règne, en 1852, la sérénité qui en fait le charme, c'est Louis-Napoléon qui vous les a donnés."

"Les applaudissements unanimes qui ont accompagné ce discours étaient une franche manifestation des sentiments de gratitude et de dévouement de l'assemblée entière envers le Prince qui donne à la France, régénérée dans l'ordre, les nobles loisirs et le calme réparateur, qui sont la vie des arts et des lettres."

Sources : L'Abeille d'Etampes du 12 juin 1852


Cette image est intéressante : l'arbre que l'on voit est un tilleul, arbre de la liberté planté lors de la proclamation de la II° République en 1848.

C'est devant lui que le sous préfet d'Etampes fit son discours pour vanter le coup d'Etat du 2 décembre 1851 perpétré par le Prince-Président ; Louis-Napoléon Bonaparte. Une de ses premières actions fut d'ordonner que la devise de la République -Liberté-Egalité-Fraternité - fut effacée des bâtiments publics (où elle n'était que peinte) ainsi que retirée de tous les documents officiels, et d'arracher les arbres de la liberté. Six mois après, il trônait toujours à Oncy, peut-être protégé par la bénédiction du curé. C'est en 1983 qu'il dû être abattu.




6 juin 1852 ! Voilà 160 ans qu'Oncy fête Lantara. Cette année, c'est le week-end des 9 et 10 juin.

Maurice Gelbard