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vendredi 20 avril 2012

La seigneurie de Courances

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Si jusqu’au XIème siècle, rien ne révèle les premiers débuts de la formation de la seigneurie de Courances, au moins à cette époque la lumière commence-t-elle à poindre, tout en laissant subsister des lacunes regrettables que nous ne sommes pas parvenu à combler. Le premier monument authentique qui nous ouvre la voie est un bail sur parchemin très développé, mais malheureusement à peu près indéchiffrable, qui date du XIIème siècle et se conserve dans l’ancien chartrier seigneurial de Courances. Ce document ne permet pas de douter de l’existence d’une propriété déjà importante et parfaitement délimitée.

Dans une charte de 1233, qui se trouve dans le cartulaire de Saint-Victor de Paris, on lit que Pierre d’Aulnoy (Petrus de Alneto), approuvé par Aveline, sa femme, engage à l’église Saint-Victor toute la dime de blé qu’il possède sur le territoire de la paroisse de Courances, pour la somme de quarante livres ; puis en 1242, les Victorins vendirent à Geoffroy de Milly, pour cent livres parisis, toute ce qu’ils possédaient au Ruisseau, notamment le moulin dont les deux tiers relevaient de la seigneurie de Courances, appartenant alors à Eustache de Courances.

Dans une charte du cartulaire de Longpont, il est question sous le règne de Louis VI, d’un Guillaume de Milly, fils de Jean de Courances : tel est le nom du plus ancien seigneur dont les titres nous aient conservé la trace. Ensuite, nous connaissons, grâce aux recherches de M. Henri Stein, un personnage important, nommé Henri de Courances, que l’on cite à partir de 1255 et qui, après avoir été successivement bailli de Macon, sénéchal de Périgord et de Limousin, puis maréchal de France, trouva la mort sur le champ de bataille de Tagliacozzo, le 22 Août 1268. Nous connaissons le nom de sa femme, la date de son testament, la nature de ses relations avec les abbayes voisines du Lys et du Jard. Il laissa un fils nommé Henri comme lui, qui servit le roi Philippe le Bel, un petit-fils également appelé Henri, et un neveu, Robert de Courances, qui servit comme son oncle dans le royaume de Naples, au XIIIème siècle. Enfin les Archives Nationales possèdent le sceau, qui prit part, en 1385, à l’expédition d’Aragon, et que l’on retrouve pour la dernière fois, en 1303, à Arras, convoqué par le Roi de France, avec le vicomte de Melun et autres, au moment des hostilités en Flandres.

Cette famille paraît avoir joui d’une certaine célébrité et s’être éteinte vers le milieu du XIVème siècle. En effet, il existe un aveu de 1365 rendu par Jean Mousseau, seigneur de Courances, qui mentionne un manoir appelé « Escorcy », situé auprès de ladite localité, enclos de fossés, avec un colombier et environ sept arpents de pré que Jacqueline du Chastel, jadis femme de feu Chassin de Courances, tient en douaire. Nous connaissons d’ailleurs ce Chassin de Courances, car c’est lui qui fond au XIVème siècle, une chapelle seigneuriale au château dudit lieu et Hugues de Courances était son frère (Archives nationales).

Il y eut, à partir de cette époque tout au moins, coexistence de deux propriétés à peu près contiguës dans la même paroisse : Courances (Cousanciae) et Escorcy, reconstruit au XVIème siècle sur l’emplacement d’un vieux castel entouré de fossés remplis d’eau vive. Nous avons rencontré un bail seigneurial du 5 Septembre 1524, par lequel Etienne Lapitte loue le lieu appelé « Escorcy » avec treize arpents de terre et de prés, et se composant d’une maison, grange et étable, le tout entouré de fossés, au prix de vingt septiers d’avoine et d’un pourceau pour la première année, de trois muids de froment ou de seigle, un d’avoine et cinq boisseaux de pois et de fèves pour les douze autres années.

Quoique Courances fut situé dans la châtellenie de la Ferté-Alais, son château et ses dépendances n’en relevaient pas moins de la seigneurie de Nanteau-sur-Lunain (près Nemours), comme il appert d’un acte de foi et hommage de décembre 1355, rendu par Jean Mousseau, chevalier, à maître Jean de Dormans, seigneur de Nanteau.

Bien qu’il soit impossible de narrer les divers événements qui ont dû accompagner l’affreuse guerre anglaise qui désola pendant si longtemps la contrée du voisinage, l’exposé présenté en 1372 au roi Charles V par le seigneur du lieu ne permet pas de laisser ignorer que notre localité, malgré son peu d’importance, partageait néanmoins le triste sort de ses voisines. La ville de Milly, fidèle à son roi, avait opposé une opiniâtre résistance. Aussi, en 1371, succombant au moins glorieusement sous le poids du nombre et de la force brutale, voit-elle ses forteresses et ses habitations s’effondrer sous le feu ennemi. Notre petit village n’est que trop associé à ces ruines, car est-il possible d’admettre que trois des moulins de Jean de Mousseau fussent complètement détruits sans que quelques demeures n’aient été atteintes du même coup ? N’est-ce pas à cette époque également que s’écroulent les fortifications et le château fort voisin de Moigny dont les vestiges sont encore debout ? Des ossements humains, découverts dans l’ancien potager du château en 1850, puis au poteau séparatif des départements limitrophes de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne (1856), enfin dans le puits de Thurelle en 1873, semblent attester des rencontres d’ennemis et des combats meurtriers. Le seigneur, avouant ne pouvoir rétablir immédiatement les trois propriétés appelées le moulin Pinon, le moulin Neuf et le moulin Acoisel, dont aucun n’existe aujourd’hui, adressa au roi une requête tendant à transférer au dernier d’entre de ces moulins, qui sera seul reconstruit, le droit de chasse dont jouit le moulin Pinon dans l’intérieur de la paroisse et aux environs, ce qui lui fut octroyé par lettres patentes données à Paris le 19 Décembre 1372.

Jean Mousseau profita peu de cette royale faveur, puisque le 15 Juillet 1377, sa veuve, Catherine de Courtramblay, dame de Cély, reçoit tant en son nom qu’en celui de ses enfants, les aveu, foi et hommage du propriétaire des fiefs d’Aigrefin et de Frécule en la paroisse de Moigny. C’est sans doute ce chevalier que représente la statue funéraire replacée sous la chaire, où elle fut découverte en 1852 non sans conserver les traces du vandalisme révolutionnaire ; on y reconnaît en effet un chevalier du XIVème siècle, la tête nue, les pieds appuyés sur des lions, avec des anges thuriféraires au-dessus des épaules. Catherine de Courtramblay vendit la seigneurie à Raoul du Broc, le 24 Février 1389, pour douze cents livres d’or.

A son tour, Jeanne Maynière, veuve de Jean-Didier du Broc, écuyer, donna les terres de Courances, Cély et autres, le 14 Mars 1460 à Jean Lapitte, étudiant en l’université de Paris et clerc du roi Charles VII en sa Chambre des Comptes. Celui-ci en rendit hommage au roi le 15 Octobre 1498 et mourut peu de temps après. Alors le domaine se divisa entre ses deux fils, Etienne Lapitte, avocat au Parlement de Paris, et Guillaume qui l’habita conjointement avec son frère et épousa Jeanne Bouchet dont naquirent plusieurs enfants ; il existe un hommage en son nom du 15 Août 1505. Quant à Etienne Lapitte, marié en premières noces à Michelle Lhuillier, en secondes à Jeanne d’Olha, il fait diverses acquisitions, entre autres le moulin Neuf qui lui est cédé par le sieur Baillard en 1529 ; cet établissement, primitivement distrait du domaine, était situé près du fief de Launoy, au-dessous du pont de grès ; les assises sont encore visibles.

C’est de leurs héritiers que Cosme Clausse, chevalier, seigneur de Marchaumont et de Fleury-en-Bière, secrétaire d’Etat sous Henri II, achète Courances aux environs de l’année 1550 ; il fit plus tard l’acquisition d’un quart de la seigneurie de Dannemois. Sa veuve d’abord, puis son fils, Pierre Clausse, qui se marie en 1572 avec Marie Le Picart, fille d’un trésorier des bâtiments du roi, et auquel elle donne en avancement d’hoirie les terres de Courances et de Dannemois, agrandissent encore leur seigneurie, notamment en achetant (1567) de Jean de Vidal, écuyer, seigneur de l’Etang, la ferme de la Grange-Rouge et ses dépendances.

Pierre Clausse, secrétaire de la Chambre des Comptes dès 1563, chambellan et surintendant de la maison de François, duc d’Anjou et d’Alençon, rend le 29 Avril 1586 hommage au roi Henri II pour la moitié de la seigneurie de Dannemois, mouvant du château de Melun, à cause de l’échange fait avec Michel de Melun, écuyer, seigneur du Bignon. Il devient comte usufruitier de Beaumont-sur-Oise, conseiller du roi en son conseil privé, et mourut le 11 Novembre 1604 ; son corps est inhumé dans le caveau seigneurial de l’église de Courances.

En Octobre 1570, Charles IX avait autorisé Pierre Clausse à établir à perpétuité un marché, le mardi de chaque semaine, et deux foires annuelles, l’une le 3 Août et l’autre le 26 Décembre, fête de Saint Etienne, patron de la paroisse. Cette autorisation fut renouvelée par Louis XIII, en 1624, à la demande de Claude Gallard.

François, fils de Pierre Clausse, grand maître des eaux et forêts de Bourgogne, seigneur de Courances et de Dannemois, époux de Suzanne de Crapado, rendit hommage au roi, le 16 Septembre 1614, pour la totalité de Dannemois, et fit construire dans le village une chapelle dédiée à Saint Charles Borromée : l’autorisation donnée pour cette construction par le cardinal du Perron est du 26 Septembre 1617, et la bénédiction en eut lieu l’année suivante par les soins de Henri Clausse, neveu de François, et plus tard évêque de Châlons-sur-Marne.

L’illustre famille des Clausse, dont la fortune paraît avoir été considérable, fournit trois évêques qui meurent sur le siège de Chalons, plusieurs religieuses qui se distinguent par une haute piété, d’autres membres qui se consacrent avec un inaltérable dévouement aux intérêts de l’Etat.

Leurs armoiries étaient : d’azur au chevron d’argent, accompagné de trois têtes de léopard d’or emmuselées d’un annelet de gueules ; et leur devise : In le, Domine, speravi, non confundar in aerternum.

François Clausse, mort sans postérité, le 18 Novembre 1641, avait vendu le 13 Juillet 1622 à Claude Gallard, conseiller notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de France, seigneur de Sémonville et de la baronnie de Puiset en partie, ses terres et seigneuries de Courances et de Dannemois avec tous leurs droits et dépendances, pour la somme de 124 000 livres tournois, qui sont payées comptant en pièces de seize sols. Cette vente ne comprend ni le mobilier, ni les armes, fers et fauconneau que se réserve le cédant.


Le domaine consiste alors en un pavillon d’entrée où il y a un pont-levis, en un château couvert d’ardoises, tourelles, colombier à pied, granges, écuries, le tout couvert de tuiles, terrasses et fossés pleins d’eau vive, entourant le château et les bâtiments, parc joignant ledit château tant devant que derrière avec les jardins potagers, fontaines, canaux, prés, plants d’arbres fruitiers, bois et allées dont la contenance est de 47 arpents trois quartiers, clos de murailles, et de la rivière d’Ecole (on appelle petit parc la partie de devant le château et grand parcelle celle de derrière) ; en une ferme nommée Grange rouge, un moulin à fouler le drap, près de la porte de la Bascule, quatre autres moulins à farine, dont la contenance est d’environ 12 arpents, 190 arpents en 100 pièces de terre cultivée, 60 ou 80 arpents affectés à la pâture des bestiaux, 155 arpents de bois compris la garenne de Montmuzard, où se trouvent les fourches de la justice, onze arpents de vignes, quelques prairies et quelques parcelles sur les paroisses voisines.


Les seigneurs ont haute, moyenne et basse justice sur toute l’étendue de la terre et sur tous les vassaux tant nobles que roturiers, avec droit de convocation et de juridiction, droit de censive sur tous les fiefs dépendante de ladite seigneurie, pressoir, four banal ; en un mot, ils jouissent de tous les droits en usage selon les lieux. La cession du prieuré Saint-Etienne (dépendant de l’abbaye de Villechasson), en 1648, donne à Claude Gallard, les deux tiers des dîmes et le constitue seul gros décimateur.

Sur sa demande, Marie Le Picart est autorisée par ordonnance royale du mois du Juillet 1613, à transférer à la seigneurie de Courances le droit concédé à celle de Dannemois vers 1518, de prendre chaque année dans la forêt de Bière, cinquante deux cordes de bois entre vif et sec, de trois pieds et demi de longueur. Cette faveur, plus tard, réduite à trente cordes, subsiste au moins jusqu’en 1701.

Les seigneurs ont également le droit de pêche dans la rivière d’Ecole depuis le moulin rompu, près du Ruisseau, jusqu’au bas de l’île assise entre les deux rivières, au-dessus du fief de Launoy, ainsi que dans l’Essonne, dans l’étendue du fief de Girolle, qui relève de Courances.

Claude Gallard ayant fait l’acquisition du fief du Chemin, sa seigneurie désormais ne relève que du roi à cause de son château de la Ferté-Alais, comme elle en relève déjà pour les droits de justice, suivant les aveux de 1506 et 1566. Les droits sont exercés par un procureur fiscal, des procureurs, un greffier, des sergents, un geôlier, des gardes de bois et de chasse. Le seigneur jouit de tous les droits honorifiques, même de chapelle seigneuriale dans l’église et de chapelle domestique dans le château ; aussi est-il tenu aux réparations du chœur et de sa chapelle dans ladite église.

Quoique la terre de Courances soit régie par la coutume de Paris, quelques-uns des seize fiefs qui en dépendent sont administrés par la coutume de Melun ou celle d’Etampes.

Le 23 Février 1624, Claude Gallard, définitivement en possession des seigneuries de Courances et de Dannemois, saisies pour 7 500 livres dues à un nommé Buisson par François Clausse, dresse un état des lieux qui constate un très petit nombre d’appartements fort négligés et pour ainsi dire inhabitable. Aussi commence-t-il immédiatement et sans la parfaire la restauration et l’agrandissement de cette résidence champêtre, unique dans son ensemble et dont il sera toujours vrai de dire : il n’y a qu’un Courances en France. La chapelle porte la date de 1626.

Le 27 Juillet 1622, Claude Gallard porte foi et hommage à M. de Selve, seigneur de Villiers-le-Châtel (près de la Ferté-Alais), pour la tierce partie des grosses dîmes de la paroisse et meurt le 31 Mai 1636 ; sa veuve, Catherine mandat, meurt à son tour le 31 Août 1638, laissant quatre enfants, deux fils et deux filles, qui se partagent une immense fortune tant mobilière qu’immobilière.

L’arpentage fait le 8 Avril 1627 par Louis Charron, mesureur et arpenteur à Milly, donne la contenance et l’évaluation de la propriété. Le grand parc de 31 arpents un quartier et demi, estimés 400 livres l’arpent, produit 12 550 livres ; 18 arpents y sont ajoutés et estimés 130 livres, donnent 2 793 livres 15 sols. Total général de l’appréciation du grand parc : 15 343 livres 15 sols. Le petit parc se composant de 6 arpents estimés 80 livres, produisent 460 livres, ce qui fait 15 803 livres 15 sols.

Alors l’aîné de leurs enfants, aussi appelé Claude, né le 16 Novembre 1616, nommé maître des requêtes ordinaires de l’hôtel du roi par lettres patentes du 20 Février 1644 (charge qu’il résigne en 1650), président de la Chambre des Comptes, recueille pour son préciput, selon la coutume de Paris, les seigneuries de Courances avec un arpent de terre dans le grand parc, et de Dannemois avec également un arpent de terre ; mais, pour maintenir dans toute leur étendue, droits et privilèges, ces deux résidences ainsi que l’hôtel acheté pour la facilité des voyages à Paris, il indemnise ses cohéritiers et leur abandonne de nombreux capitaux, les terres et seigneuries de Poinville, Sémonville, d’Anet en Beauce, deux maisons à Orléans, douze hôtels à paris estimés 165 050 livres tournois, et deux arpents de terre dans le Marais, près de la porte St Antoine, grevés de dix livres de rente en faveur de l’archevêque de Paris.

Le nouveau seigneur Claude continue avec non moins d’entrain que de bon goût l’admirable grandiose ébauché par son père. Il construit le théâtre, la maison du jardinier, plante d’ormes la grande avenue allant du château à la route de Lyon, que ferment des barrières et de larges fossés remplis d’eau vive.

A peine en possession de son patrimoine, Claude Gallard semble rendre siens les gigantesques projets de son hardi contemporain, pour ainsi dire voisin et répéter comme lui : Quo non ascendant ! Et s’inspirant des plus grandes célébrités, il appelle Lenôtre qui fait du parc une des plus délicieuses merveilles. Aussi cette résidence seigneuriale, pour ne pas dire princière, se transformant sous la direction de ce profond génie, non sans réunir les agréments les plus ravissants, devient-elle un des séjours les plus recherchés et les plus enchanteurs, par l’ingénieuse conception de ses avenues, sombres et spacieuses, que bordent de splendides charmilles, par la variété de ses immenses surfaces limpides donnant asile aux plus délicats habitants d’eau douce, dont l’abondance qu’entourent de longues pelouses harmonieusement ménagées, se dessinant et se déchargeant l’une dans l’autre autour du château qu’elle fortifie et embellit, non sans produire d’admirables cascades dont une entre autres est composée de neuf tuyaux.

Toutes ces mille merveilles, quoiqu’à trois siècles de distance, n’en conservent pas moins l’incontestable cachet de leur créateur et ne cessent d’enthousiasmer leurs nombreux visiteurs, de tous les points de l’Europe. Il n’est pas étonnant que des têtes couronnées, des hommes d’Etat, oubliant les agitations du siècle et les splendeurs de la cour, viennent s’y reposer dans la saisissante contemplation des œuvres du Maître de la nature, et sous Louis XIV Courances continue à être le rendez-vous vraiment privilégié de ses promeneurs.

Le 15 Août 1653, fête de l’Assomption, à l’issue de la messe paroissiale, devant la grande porte de l’église, Claude Gallard réunissant ses vassaux convoqués au prône, selon l’usage, les affranchit de la banalité du four et des peines et inconvénients inhérents ; ceux-ci par reconnaissance s’engagent volontairement tant envers ledit seigneur qu’envers ses successeurs à fournir annuellement et à perpétuité, sans salaire ni nourriture, deux jours corvéables sans préjudice des usités. Claude Gallard meurt en 1673.

Claude Gallard, fils unique du précédent, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, président honoraire de la Chambre des Comptes, et époux de Claude Bordier, vend en 1675, pour la somme de deux cent dix mille francs, son domaine patrimonial à son oncle Galliot Gallard, seigneur de Poinville et de Sémonville. Né en 1622, il avait été reçu conseiller au Parlement de Metz le 8 octobre 1645, maître des requêtes de l’hôtel du roi par lettres du 18 novembre 1656 et intendant de Bourges en 1658 ; il meurt le 21 Juillet 1684 et est inhumé à Saint André.

Galliot Gallard, fils unique du précédent, guidon des Flamands, lui succède pour fort peu de temps, car en 1695, il est lui-même enseveli, à peine âgé de 27 ans et demi, laissant pour seule héritière sa fille Anne-Catherine qui, le 11 Décembre 1708, épouse Nicolas Potier de Noiron, marquis de Grignon, reçu au parlement le 22 Mai 1715, il meurt cinq ans après (28 octobre 1720) et son corps est déposé dans le caveau seigneurial, près de celui de son beau-père.

André, son fils, né le 22 Janvier 1711, est nommé conseiller au Parlement de Paris, le 22 Décembre 1729, président à mortier le 28 Mai 1732, charges dont il se démet en Août 1758. Il épouse en premières noces Anne-Pierrette Langlois de Lafortelle, décédée en 1741, sans postérité, et en secondes noces, le 23 Février 1747, Marie-Philippine, fille de Gabriel Tachereau, seigneur de Baudry, conseiller d’Etat et intendant des finances, et de Philippe Taboureau des Sceaux, qui donne naissance à deux filles dont l’aînée hérite de Courances.

Anne Auzanet, veuve de Galliot et mère de Anne-Catherine, est en 1705 marraine d’une cloche ajoutée à deux petites fort anciennes, puisqu’elles sont mentionnées en 1539.

Les armoiries de la maison de Gallard sont : d’azur à la face d’argent, chargée d’une flamme de gueules accompagnée en chef de deux étoiles d’or et en pointe d’un croissant d’argent.

Le blason de la famille entier est : d’azur à deux mains d’or en franc quartier et échiqueté d’argent et d’azur.

Anne-Catherine Gallard, dame de la châtellenie des Trois Gots en Basse Normandie (diocèse de Coutances), de Berry, des Landetz, de Courances, Dannemois, Poinville, Sémonville et d’autres lieux survit plus d’un demi-siècle à son mari Nicolas Potier. Pendant son long veuvage, elle fait diverses acquisitions, telles que le fief de Cochet, le moulin Grenat, le fief du Vau qu’elle paye 5000 livres à François Daussy, seigneur du château de Moigny, le clos de Courances aujourd’hui transformé en potager, enfin l’une des fermes de Launoy payée 50 000 livres au sieur Lejau de Chambergeot. En 1755, elle fait construire l’auditoire dont il ne reste plus que l’emplacement.

Mme de Novion manifeste sa munificence et son zèle dans l’intérêt qu’elle porte à l’instruction de la jeunesse. Par ses dernières dispositions, elle assure 200 livres de rente annuelle et perpétuelle et un logement aux instituteurs de Courances et de Dannemois ; elle agrandit et enrichit son église qu’elle dote ainsi que celle de Dannemois. Les pauvres ne sont point délaissés. Agée de 80 ans environ, elle s’éteint en son château le 11 Mai 1772, et son corps rejoint ceux de ses ancêtres et de son mari.

Quoique Mme de Novion soit en possession d’une grande fortune et qu’elle ait même un nombreux personnel pour l’entretien de sa propriété, tout néanmoins porte à croire que celle-ci est fort négligée, puisqu’à sa mort, l’évaluation des réparations tant à l’église qu’au château est de 77 533 livres 10 sols et à Dannemois de 5 242 livres.

Du second mariage d’André Potier, quatrième du nom, et de Marie-Philippine Taboureau, sont issues deux filles dont l’une Léontine-Philippine, née le 26 Novembre 1748, devient à la mort de sa grand-mère héritière des domaines de Courances et d’autres lieux. Tandis que sa sœur, Anne-Marie-Gabrielle, épouse de très haut et très puissant seigneur, Monseigneur Alexandre-Guillaume Gallard de Béarn, compte de Brassac, colonel du régiment d’infanterie de Limoges, reçoit en partage la terre et seigneurie de Grignon.

Le 27 Avril 1768, un avant avant la mort de son père, Léontine-Philippine épouse très haut et très puissant seigneur Monseigneur Aymard-Charles-Marie de Nicolay, né et baptisé à Paris le 14 Août 1747, en l’église St Paul, conseiller du roi en son Conseil d’Etat et privé, puis conseiller au Parlement de Paris le 20 Juin 1767, il succède à son père en sa charge de premier président de la Chambre des Comptes par lettres patentes du 26 Avril 1768 et est le dixième investi de sa maison et le neuvième de père en fils sans interruption. Il est en 1789 membre de l’Académie Française, grand cordon bleu et chevalier de l’ordre royal de Saint-Louis ; il possède les seigneuries d’Ivors, de Neuville, de Goussainville, et par son mariage, de Courances, Dannemois, Poinville, Sémonville, le Berry et d’autres lieux.



Depuis son installation le 17 Novembre 1773, les discours du président de Nicolay dans diverses réceptions des contrôleurs généraux à la Cour des Comptes, attirent de curieux observateurs, contrairement à ces sortes de discours, généralement remplis de lieux communs dont on ne fait pas grand cas. Ainsi Bachaumont conserve ceux que le 1er président prononce le 24 Mai et le 25 Octobre 1776, aux dates des 25 juin et 19 Novembre de la même année de son journal.

Celui qu’il prononce lorsque M. de Calonne fait son entrée avec une pompe extraordinaire, le 13 novembre 1783, mérite d’être cité pour sa singularité ; après avoir tracé le portrait d’un contrôleur général, M. de Nicolay lui dit ces mots : « Vous avez désiré les grandes places, mais depuis longtemps vous vous préparez à les remplir, vous avez perfectionné, embelli les heureux dons de la nature ; votre esprit, vous l’avez cultivé, dans les sociétés du grand monde, comme dans les provinces que vous avez administrées. On vous accordait avec raison de penser et de peindre. On ne s’entretenait que de votre aménité, de votre pénétration, de votre adresse à manier les esprits et les affaires, vous laissez aussi échapper des étincelles de génie ».

Il préside l’audience solennelle du 17 Août 1787, lorsque Monsieur (depuis Louis XVIII) s’y présente pour faire enregistrer ses édits du timbre et de subvention territoriale.

Voici la réponse qu’il adresse au président du département lui annonçant la suppression de la Chambre des Comptes (20 Septembre 1791) :
« Nous vous devons des remerciements, Monsieur, de nous définir le terme prochain de notre existence civile. Les portes de la Chambre des Comptes seront ouvertes. Les préposés des nouvelles administrations peuvent dès aujourd’hui aller consommer notre anéantissement et se promener sur les derniers débris de la magistrature. Nous irons gémir sur les ruines de la religion et de la monarchie, et nous attendrir sur les malheurs de la famille royale, ceux qui les ont loyalement servies conserveront éternellement le droit de les respecter et de les chérir ».

Le premier président de Nicolay est d’une taille majestueuse et d’une physionomie pleine d’expression et de noblesse, même au milieu de sa dure captivité, comme l’atteste son portrait exécuté on ne sait trop comment, pendant sa cruelle détention ; humain et affable, il accueille tout le monde avec une délicate bienveillance qui inspire confiance et met à l’aise. Aussi de tous côtés invoque-t-on sa puissante intervention, du moins sa nombreuse correspondance l’atteste-t-elle. Se considérant comme un père au milieu des siens, il est aimé de ses vassaux qui sans exception trouvent en lui un protecteur affectueux et dévoué, ce qui ne contribue pas peu à justifier la glorieuse distinction dont on le qualifie. « Le grand Nicolay » ; oui, grand, assurément, et plus par le cœur que par son illustration de plusieurs siècles. Peut être embrasse-t-il comme tant d’autres, avec trop d’ardeur, le parti philosophique qui, hélas ! bouleverse si affreusement la société et ne lui en fait que trop subir les funestes et inoubliables conséquences ; lui-même n’en est ni la première ni la dernière victime.
Comme son royal maître et souverain, il tombe entre les mains d’effrénés décidés qu’une insatiable soif de sang humain dévore ; enfermé aux Carmes, il n’en sort que pour suivre la voie sanguinaire du vertueux monarque qui semble être la rançon des honteuses humiliations qui souillent et déshonorent la France. Le 7 Juillet 1794, le 1er président de Nicolay, âgé de 47 ans, verse son sang sur l’échafaud, comme du reste Cazotte le lui avait prédit, ainsi qu’à d’autres personnages non moins illustres, sort que partage son fils aîné Aymard-Pierre-Marie Léon, qui né le 10 Juillet 1770, et condamné par le même tribunal révolutionnaire 21 messidor, est exécuté le 10 juillet 1794, anniversaire de sa naissance, et trois jours après, son père, pour la conservation duquel s’il s’est offert spontanément, et l’oncle de ce dernier, ancien président du grand conseil, ne sont pas plus épargnés. Trois membres de cette illustre famille de Nicolay succombent donc de la même manière.

Dans la nuit du 24 au 25 Juin 1791, tout le village en émoi est sur pied, le tocsin fait retentir ses sons lugubres, une fausse dénonciation adressée le 13 précédent au district d’Etampes accuse le château de renfermer des armes et des munitions. Alors des gardes nationaux, dont le nombre se grossit des recrues faites sur leur parcours, arrivent tout haletants, placent plusieurs pièces de canon sur le faîte de Montmoyen qui domine le château, avec ordre de faire feu au moindre signal de résistance ; ils pénètrent avec une audace indescriptible dans tous les appartements, non sans visiter jusqu’au moindre meuble et se rendre coupable de cruautés. Enfin, ils avouent que la dénonciation est archi-calomnieuse, se confondant en excuses, non sans regretter leur imprudente précipitation et les atrocités envers les châtelains dont ils reconnaissent la haute bienveillance.

Pendant l’orage révolutionnaire, reléguée avec sa famille à St Germain-en-Laye où elle perd sa mère le 11 Mai 1793, Mme de Nicolay est profondément affligée des calamités publiques et de la gêne affreuse où elle est réduite ; elle ne perçoit rien de ses propriétés dont la garde est confiée à un nommé Chapeau, ses biens sont séquestrés, ses récoltes vendues à l’enchère et à vil prix, ses canaux presque dépeuplés, quantité d’objets précieux enlevés, sa bibliothèque dispersée et ses papiers sous scellés. Aussitôt que les circonstances le lui permettent, elle rejoint en toute hâte et le cœur brisé de douleur son berceau d’enfance où la plus vive sympathie l’accueille avec la plus grande cordialité ; elle répare autant que possible les ruines les plus urgentes ; celles de l’église n’échappent point à sa pieuse munificence ; ses dernières volontés sont un témoignage vivant de son bienveillant dévouement pour l’église et les pauvres. Enfin âgée de 72 ans, elle s’endort pieusement dans le Seigneur, non sans avoir fait le partage de sa fortune et de ses biens entre ses six enfants, et son corps est déposé dans le caveau de la chapelle auprès de ses ancêtres.

En vertu de ses dispositions testamentaires, le domaine de Courances, les hôtels de Paris et une des cinq fermes du Soissonnais sont assignés au plus jeune de ses fils, Aymard-Charles-Marie-Théodore, qui né le 30 Juillet 1782, évite l’échafaud en raison de son extrême jeunesse et épouse en 1809 Charlotte, fille du duc Gaston de Lévis, pair de France et membre de l’Académie Française. Dix enfants sont nés de cette union.

Le blason de Nicolaï est : d’azur au lévrier courant d’argent, accolé de gueules bouclées d’or, surmonté d’une couronne de marquis. Leur devise : Laissez dire.

Les Nicolay, qui comblèrent la commune de bienfaits, conservèrent la propriété de Courances jusqu’en Octobre 1872 ; elle fut acquise alors par le baron de Haber qui rendit la vie au château inhabité puis longtemps, le restaura complètement et l’agrandit par l’adjonction de divers édifices qui l’encadrent intelligemment et lui donnent une importance nouvelle, grâce à l’énergique impulsion du comte de Béhague, gendre du baron de Haber. Dans cette propriété, d’une contenance de mille hectares environ, on a peuplé les eaux cristallisées d’une quantité considérable de truites venues de Fribourg et élevées au manoir du Ruisseau, réuni au domaine en 1821 ; cet essai de pisciculture dans quatre bassins disposés en cascades a donné depuis vingt ans les résultats les plus satisfaisants. C’est du reste par ses bassins autant que par ses constructions que Courances mérite d’être célèbre, suivant ce vieux quatrain qui fait honneur au pays de Bière :

Les bois de Fleury,
Les parterres de Cely,
Les eaux de Courances
Sont trois merveilles en France.

Déjà au siècle dernier, d’Argenville, dans son Voyage pittoresque des environs de Paris, appelait l’attention sur ce domaine dont il donne la description suivante :

« Une avenue double conduit dans une avant-cour soutenue de deux canaux qui ont à leur tête des dauphins jetant beaucoup d’eau. Du côté droit se trouvent les potagers et au-devant est une prairie dont les canaux forment une île.

Ce château qui appartient à M. le président de Novion (puis plus tard à M. le président de Nicolay) est environné de fossés fournis par deux torrents. Il y a à sa droite une pièce d’eau entourée de 14 dauphins qui jettent chacun autant d’eau qu’il en faudrait pour faire tourner un moulin. Ces eaux plates qui viennent de la rivière l’Ecole qui passe dans le parc le long des murs. (Ces eaux ne sortent pas de la rivière mais y entrent).

Les bosquets au-dessus de cette grande pièce d’eau sont ornés d’un canal poêle et de cinq bassins avec leurs jets dont un est appelé la Couronne à cause des cinq jets qui partent du centre. Vous apercevez ensuite une salle avec un grand bassin octogone où est une gerbe fournie de sept jets. Plus loin, on découvre un canal de 250 toises de long fourni par la rivière l’Ecole. Un grand bassin rond termine de ce côté le parc qui a 250 arpents et est presque tout planté de bois. (Ce canal est alimenté tant par la rivière l’Ecole que par les eaux du parc).

Vous revenez au château par une allée bordée d’une prairie et de deux canaux dont celui de gauche retourne en équerre, puis retombe par les chutes d’eau. Vous trouvez en face du château une grande pièce de gazon ornée dans son milieu d’un miroir d’eau. La fontaine de la Perruque paraît sur la droite, au milieu d’un bosquet coupé en croix de Saint-André ; au-dessus est le bassin des sources où l’eau arrive par plusieurs auges de pierre fournies par des sources près de l’église. Toutes ces eaux jouent nuit et jour sans réservoir ni robinet, c’est la nature même dépouillée de tout art ».

Le baron de Haber est mort en juin 1892. Aujourd’hui, le propriétaire de Courances est son petit-gendre, le Comte Jean de Ganay, qui l’a acquis au prix de trois millions cinq cent mille cinq cents francs.


Annales Société Historique du Gâtinais – Tome 11 - 1893