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mercredi 9 juillet 2008

La " Commune Libre de Milly " à la Mi-Carème 1925

La Commune libre de Milly a profité de la Mi-Carême pour effectuer sa première sortie. Dimanche dernier, malgré le temps incertain, bien des habitants des communes voisines vinrent à Milly pour voir la « nouvelle municipalité » !…

Dès 2 h 30, il y avait foule devant le Café de la Renaissance (siège de la « Mairie Libre »). Un magnifique bœuf devait participer au défilé ; bien propre et les cornes dorées, il était conduit au lieu de rendez-vous, lorsqu’arrivé Place Grammont, - sans doute effrayé par les cris des gamins qui le suivaient, - il fit une charge sur la place, soufflant furieusement ! Contrairement aux courses de taureaux, c’était le bouvier qui poursuivait la bête !… Enfin, on put l’arrêter, mais comme le bœuf paraissait avoir des idées combatives, il fut directement mené à l’abattoir.

Après cet intermède non prévu au programme, la neige se mit à tomber, ce qui fit que beaucoup de jeunes filles ne voulurent plus se joindre au cortège, craignant les fluxions de poitrine !

A 4 heures, le garde-champêtre (à cheval !) fit placer les figurants et le défilé commença par la Place du Marché.

M. Boileau, l’appariteur ouvrait la marche.

On voyait d’abord trois cavaliers, un picador, un paysan et un gentleman à jabot. Puis venait la bannière de la commune libre, portée par un clown multicolore. Le porte-bannière était escorté par un tout jeune garde-champêtre, en blouse bleue et un petit pierrot blanc. Puis trois jeunes filles magnifiquement travesties et un grand pierrot.

Sous la direction du chef «bigophoniste » « D. Cramponné », à la barbe grise, la « fanfare de la commune libre » exécutait les derniers airs à la mode dans des bigophones aux formes diverses. Tous merveilleusement grimés, ils avaient sur le sommet du crâne, un minuscule chapeau plat et étaient tous vêtus d’une redingote dont la boutonnière s’ornait d’une grosse fleur en papier.

Ensuite, l’air terrible, comme il convient, s’avançait le garde-champêtre de la « commune libre » ; coiffé du vaste chapeau classique. Blouse bleue, une énorme canne en bandoulière, guêtré, il obtint un gros succès, grâce à son accoutrement et surtout à son maquillage.

Le maire et l’adjoint (en habits, chapeaux haut de forme !) étaient en voiture… comme il convient ! Le landau (une petite voiture de promenade), décoré de verdure et de fleurs, était conduit par un cocher barbu, bien grimé, pas reconnaissable et était traîné par… un âne !

Derrière s’avançait gravement un médecin de l’ancien temps, haut chapeau pointu, longue robe noire, de grands cheveux blancs tombant sur ses épaules et mesurant au moins deux mètres. Sous le bras, il tenait la grosse seringue, insigne de ses fonctions.

On voyait aussi le « Pompier » de la commune, au nez bourgeonnant, coiffé d’un haut casque à chenille avec un immense sabre et un jockey moderne, traînant un petit cheval à roulettes !

Deux cavaliers fermaient la marche : un fringant chasseur et un hussard.

Derrière le cortège, deux travestis, un vieux et une vieille, tous deux bien grimés et habillés scrupuleusement comme il y a une cinquantaine d’années, eurent un beau succès également et firent beaucoup rire.

Le défilé de la « commune libre » se fit au milieu d’une foule compacte, avec arrêts pour les discours qui furent prononcés par le garde-champêtre, le maire et l’adjoint et naturellement arrosés, selon le règlement de la nouvelle commune.

M. Fournillon, cafetier à la Renaissance, avait organisé dans sa salle de spectacle, entièrement remise à neuf – un beau bal avec un orchestre jazz-band de Melun. Les musiciens étaient tous des artistes et leur musique fut fort appréciée.

La salle était bien décorée et brillamment illuminée. Inutile de dire qu’il y avait foule et que la salle était bien des fois trop petite pour contenir tous les danseurs et spectateurs dont beaucoup ne purent entrer.

La commune libre de Milly ne pouvait pas faire autrement que d’assister à cette belle fête et d’y faire une entrée sensationnelle, musique en tête. Cette entrée fut véritablement le « clou » de la soirée.

Il y a longtemps qu’on n’avait vu à Milly d’aussi beaux travestis. Il serait trop long de vouloir les citer tous. Notons quelques beaux costumes (avec probablement bien des oublis !).

La reine du bal était incontestablement une odalisque, mousseline azur, à la large ceinture d’or, comme les chaussures, parée du diadème et de tous les bijoux mauresques. On voyait aussi une autre odalisque, soie blanche à ceinture bleue.

Une hindoue, bronzée, au costume très original et d’un très bel effet ; une petite étoile rose et une charmante marchande de fleurs, vendant d’authentiques bouquets de violettes ; une bayadère et une persane ; un couple directoire aux chapeaux bien connus et une folie à la coiffure cornue ; une japonaise au costume très exact et une magicienne satin noir avec garniture marabout blanc ; une incroyable satin mauve, d’un joli effet ; un médecin-magicien, très bien réussi, satin noir ; un pompier, armé, casqué et botté ; un toréador, satin rouge ; une femme arabe, soie rouge et vert ; une sultane ; un « zéphir » orange ; un page Henri III ; un chinois.

Un commerçant bien connu à Milly (comme à Etampes), fit successivement trois apparitions ; en apache, puis en turc, puis vers 2 heures du matin, en caleçon, bougeoir en main. Il obtint un succès monstre.

Et les « musiciens » de la commune libre, qui ne cessèrent de tourner jusqu’au petit jour, furent les boute-en-train du bal.

N’oublions pas le maire et l’adjoint de la commune libre, en habit et haut de forme et surtout le principal personnage de la fête : « le garde-champêtre ! » sévère et grognant à souhait, amusant d’un bout à l’autre de la soirée.

On voyait aussi un petit garde-champêtre en bonnet blanc avec un immense col à pointes ; un petit pierrot à motifs rouges.
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Afin que le classement des lauréats se fit en tout impartialité, on demanda aux musiciens de former le jury. Tous les costumés ont défilé deux par deux. Bigophonistes en tête. Après délibération, le chef de musique a donné lecture du palmarès :

Prix d’honneur, M. le maire (noblesse oblige) ; 2ème prix d’honneur, les Bigophonistes ; prix d’excellence : M. l’adjoint.

1er prix : Odalisque bleue ; 2è : Etoile rose ; 3ème : Hindoue jaune ; 4ème : Magicien-médecin ; 5ème : Incroyable ; 6ème : Mme Chrysanthème ; 7ème : Marchande de violettes ; 8ème : Toréador ; 9ème : Bayadère ; 10ème : Persane ; 11ème : Magicienne noire ; 12ème : L’Eté ; 13ème : Directoire vert-jaune ; 14ème : Pompier ; 15ème : Directoire, taffetas blanc ; 16ème : Hindoue blanche ; 17ème : Le Garde-Champêtre ; 18ème : le petit garde-champêtre ; 19ème : Petit Pierrot blanc ; 20ème : Jeune clown.

La « commune libre » va-t-elle s’arrêter en si bon chemin ?

On nous assure qu’un groupe de commerçants vont organiser une cavalcade (une vraie).
Après le succès de la sortie de la « commune libre », on est en droit de compter sur le retour des anciennes fêtes dont le souvenir est encore vivace.

Félicitons encore, sans réserve, les organisateurs de la petite fête de dimanche dernier et qu’ils persévèrent !
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Abeille d’Etampes du 28 mars 1925