C’est une date qui, sûrement, deviendra historique et personne ne pourra plus affirmer que le bon roi Henri IV n’a pas fait à Milly, un jour de mai fleuri, une entrée solennelle.
C’est vraiment un beau caractère et un grand cœur que ce monarque qui disait qu’un « sage roy est comme un habile apothicaire qui des plus méchants poisons compose d’excellents antidotes. » Son historien, Hardoin de Pérétix qui rapporte ce propos, ajoutait : « Par-dessus toutes ses grandes qualités excellait la tendresse indicible, l’amour qu’il avait pour son peuple. Il n’avait point de plus forte passion que de le soulager, que de le faire vivre en paix et à son aise ; il n’avait point de discours plus ordinaire à la bouche que celui-là. On voit une infinité de ses lettres au gouverneur des provinces, à son surintendant, à ses parlements dans lesquelles il dit « Ayez soin de mon peuple, ce sont mes enfants ». Et d’autres paroles semblables pleines d’ardeur et de bonté cordiales et paternelles.
Quelques lignes plus loin, il cite cette réplique au Duc de Savoye qui lui demandait ce que la France lui valait : « Elle me vaut ce que je veux, parce qu’ayant le cœur de mon peuple j’en auray ce que je voudrais. Et si Dieu me donne encore la vie je feray qu’il n’y aura point de laboureur en mon royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot ».
C’est en 1602 environ, il y a plus de 300 ans que date ce propos et ce sont ces sentiments de bonté envers les petits et les faibles qui ont conservé à travers les années cette popularité du Roi Henri IV qui se fait encore dans le pays de France.C’est ce souvenir qui était le sujet de la jolie cavalcade annoncée et que les cartes postales dues aux objectifs de M. Ch. Langlais ou de M. Félix avaient déjà popularisée pendant la semaine qui a précédé.
Dimanche enfin, après plus de deux mois de travail incessant et de démarches sans nombre, la Commission du Comité Commercial des fêtes de Milly a pu prouver l’intelligente vitalité de ce comité, son dévouement et sa bonne direction. L’organisation du cortège était parfaite et dépassa de beaucoup tout ce que l’on pouvait espérer. On pouvait craindre que de si beaux préparatifs, tant de peines et de dépenses fussent compromis par la pluie ; heureusement le temps fut moins maussade et se montra plus clément que les jours précédents. Une quantité considérable d’étrangers étaient venus de tous côtés ; chaque famille avait un ou plusieurs invités et l’on nous dit n’avoir jamais vu autant de monde à Milly. On estime en effet que pendant le défilé, 3 000 personnes circulaient dans les rues et que pendant les danses exécutées sur la place du Marché, 2 500 spectateurs s’y pressaient.A deux heures, répondant aux appels des trompettes les divers éléments devant faire partie de la cavalcade s’assemblaient Faubourg Saint Jacques dans l’ordre établi par le Comité d’organisation. Ce n’était pas une petite affaire que de placer figurants, figurantes, chevaux, bœufs, voitures, chars, etc... ; réunis en cette endroit ; les membres du Comité s’y employèrent avec une inlassable attention ; à l’heure fixée l’expert président, M. Seguin, pouvait dire : « Tout va bien » et donner le signal du départ.
En tête venait deux héraults MM. Godin et Chanet, et le porte étendard, M. Durançon qui tenait fièrement la bannière blanche fleur de lysée du bon roi Henri ; trompettes, tambours, et gardes à pied faisaient l’escorte immédiate du cortège royal. Henri IV était représenté par M. Gibert ; puis venait Sully (M. Bertrand) et un groupe de seigneurs représentés par MM. Berthelot, Ricordeau, Mathias et Crenier.
C’était un tout jeune Henri IV qui nous était présenté. – barbe noire bien fournie, coiffé du grand feutre noir relevé devant, par le légendaire panache blanc ; près du cour la collerette gaufrée, sur le pourpoint de velours noir avec le maillot gris perle. Il avait tout à fait bon air sous ce costume, le sosie du roi poète, et il a su se montrer à la hauteur de son rôle dans cette solennelle journée.
Le fidèle ministre Sully, portait la toque brune et le pourpoint de velours cramoisi.
Encadré par un peloton de gardes à cheval, venait le carrosse de la reine – un carrosse historique, nous assure-t-on, sortant d’un musée – et attelé de quatre chevaux noirs, superbes et appareillés à souhait, que MM. Boudineau et Rivière conduisaient ; la très gracieuse Mlle Lucienne Bast y trônait, revêtue d’un manteau d’hermine et portant fièrement la couronne royale plantée en ses blonds cheveux ; deux charmantes demoiselles d’honneur, Mlles M. Broc, en toilette bleue et Emilie Goassens, en rose, lui tenait compagnie. Deux valets de pieds, fiers dans leur jolie livrée de satin vert, se tenaient à l’arrière du carrosse, qu’accompagnait sur un fringant poney blanc, un piqueur, le jeune Henri Moreau.
A l’arrivée sur la place de l’Hôtel-de-Ville, la cavalcade vient se ranger devant un grand praticable construit sur le perron de la mairie où très aimablement M.Bédu, Maire, vint offrir son bras à Marguerite de Valois, et la conduisit dans la salle des séances, suivie du roi et de son ministre, de MM.Seguin et Baffoy, président et vice-président du Comité Commercial des fêtes conduisant les demoiselles d’honneur. Dans la salle où étaient réunis encore M.Darbonne, adjoint, les membres du Conseil municipal, les membres du Comités commercial et les commissaires de la fête. M.Séguin, présentait la reine, ses demoiselles d’honneur, puis Henri IV et Sully, qui tous firent honneur au champagne offert par la municipalité.
Dehors, la foule s’amassait de plus en plus sur la place et dans les rues avoisinantes, quand, avec peine, le Char de la Danse dans lequel avaient pris place les charmantes élèves de M. Heug, impresario, avait de la peine, malgré l’habileté de MM. Daudier, Peigné et Darbonne qui le conduisaient à se frayer un passage. Dès leur arrivée, Henri IV, Marguerite et leur suite apparaissaient au balcon de l’Hôtel-de-Ville où ils étaient salués de vigoureux « Vive le Roi, vive la Reine ! » cris séditieux en jour autre qu’un jour de divertissement.
Ce fut une idée qui ne manquait pas d’originalité que l’offre de ce spectacle en plein air, offre gratuite aux citadins de la bonne ville de Milly par Henri IV à l’occasion de sa visite ; les huit dames du ballet s’employèrent de leur mieux à donner à ce divertissement chorégraphique tout le charme possible, et elles y réussirent, aidées par un petit orchestre dont malheureusement les sons avaient peine à parvenir à la foule un peu bruyante ; les applaudissements qui marquaient la fin de chaque figure de ce gentil ballet prouvèrent que tout le monde était content.
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Le lecteur trouvera plus loin la description des chars qui suivent : il faut pourtant une mention particulière au Char des Enfants dont le dessin tout fleuri et enguirlandé n’eût pas déparé une des grandes cavalcades parisiennes. Profitons-en pour faire à M. Brisset, l’habile dessinateur, véritable artiste, notre compliment sincère de la part de tous, population, visiteurs et Comité. Les Chars de la Halle et de la Poule au Pot plus simples étaient bien dans la note et très pittoresques.
Fort amusant aussi, le charlatan et son compagnon.
Sur le parcours consciencieux de tous les quartiers de la petite ville, la Fanfare égrenait son chapelet de mélodies et bientôt le cortège, entouré d’une foule énorme dont il émergeait à peine, les quelques instantanés pris au passage – et manquant de soleil, hélas ! – en témoignent, arriva sur la place du Marché où une estrade, une scène, dirons-nous plutôt, avait été disposée pour une seconde édition du triomphe du corps de ballet. Le roi et la reine étaient de nouveau sortis de leur char et assistaient au divertissement.
Mais il fallait bien réaliser du mieux possible les probabilités qu’eussent fait naître le séjour du roi Henri, à Milly. Il devait assurément aller rendre visite à son féal vassal, le seigneur de Milly, et reconnaître l’état de l’antique manoir.
Le roi et la reine s’en sont acquittés très gentiment. Et ils ont été accueillis de façon aussi aimable que spirituelle par M. J. Usebe, propriétaire actuel du château qui, offrant aux majestés une coupe de champagne, remplaçant le vin du Malvoisie qu’on ne trouve plus à Milly, et se prêtant avec la meilleure grâce du monde à cette innocente reconstitution, tient au roi ce petit discours :
« Sire, votre majesté se souvient peut être d’avoir été déjà reçue dans cet antique manoir par son féal sujet et vassal messire d’Averton, compte de Belin, seigneur de Milly, qui, à l’entrée triomphale de votre majesté dans Paris, en 1594, eut l’honneur de vous présenter les clefs de cette ville. Permettez à un modeste bourgeois de vous recevoir à son tour en ces vieux murs et de vider une coupe de champagne en l’honneur de sa majesté la gracieuse reine Marie de Médicis et de son brillant cortège : « Vive le Roi ! Vive la Reine ! ».
Les souverains et les demoiselles d’honneur, ainsi que le Comité firent honneur à ce toast, et reconnaissants de si charmants procédés à leur égard, remercièrent l’aimable châtelain, et reprirent leur place dans la cavalcade.
Bientôt, elle se retrouvait encore sur la place où se fit cette fois vivement et sans désordre la dislocation finale.
Une mention particulière est bien due aux deux frères Normand, qui, en habiles bouviers, ont de leur pointe légère dirigée de façon magistrale leurs quatre bœufs et le lourd char qu’ils traînaient à travers les rues et carrefours ; c’était une rude épreuve dont ils se sont tirés à leur honneur.
Nous aurions encore plus d’un éloge à ajouter, mais la place nous manque, et nous terminerons ce compte-rendu par un remerciement, celui-là adressé à la municipalité bienveillante de Milly, à son maire personnellement, dont l’intervention a valu à la ville pendant toute la soirée l’éclairage de tous nos becs de gaz, pour lequel la Compagnie avait demandé une assez forte somme.
A chacun le sien, comme dit l’autre. Et à tous un au revoir !
Le Comité a mis en venteau prix de 10 cent. Un carnet-programme donnant l’itinéraire de la cavalcade et tous renseignements utiles. Ce programme sera vendu sur la fête, nous en rééditons pourtant les points principaux.
A une heure, formation du cortège, faubourg Saint-Jacques. – Départ à 2 heures précises.
Ordre de la Cavalcade :
Héraults d’armes à cheval. – Porte-Etendard à cheval. – Trompettes. – Tambours. – Gardes du Roi, à pied. – Gardes ru Roi, à cheval.
LE ROI HENRI IV. – Le Duc de Sully, son ministre. – Seigneurs.
CARROSSE DE LA REINE. – Demoiselle d’honneur. – (Ce carrosse authentique provient d’un Musée historique). – Gardes de la Reine à cheval.
CHAR DU CHATEAU. Ce char supporte unr réduction du château de Milly. Il est monté par l’ « Union Musicale », sous la direction de M. Timbert. – Arquebusiers.
CHAR DE LA DANSE. – (Danseuses des théatres de Paris). – Chevaliers.
CHAR DES ENFANTS. – (Fée aux enfants, enfants costumés). Hallebardiers.
CHAR DU MARCHE. – (La Halle de Milly en 1600 et ses vendeuses. Vente de billets de Tombola et marchandises diverses. – Chevaliers.
CHAR DE LA POULE AU POT. – (En souvenir des souhaits de Henri IV à ses sujets). – Arquebusiers.
CHAR DU SORCIER. – Chevaliers.
(Les dessins et la décoration des Chars sont dûs au pinceau de M. Brisset).
Réception du Roi Henri IV et de la Reine par la Municipalité, à la Mairie.
Danses anciennes exécutées par des danseuses des théatres de Paris.
Le soir à 9 heures, sous la halle, Bal à grand orchestre. – Prix d’entrée : Cavaliers, 1 franc. – Dames, 0 fr. 50.
L'Abeille d'Etampes
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