S’il est une institution qui plaise à l’esprit du peuple, qui possède sa foi et ses sympathies, c’est assurément la fête patronale du pays natal. Cette institution dont l’origine est toute morale et semble se perdre dans la nuit des temps, manquait à la ville de Milly. Ses habitants n’ont pas voulu plus longtemps en être privés, et ils ont, sous le vocable de Saint-Pierre, érigé leur fête patronale.
L’inauguration a été des plus splendides ; Milly a fait les honneurs de sa fête avec une pompe inaccoutumée. Tout ce que l’industrie moderne a inventé pour la décoration des fêtes populaires et des réjouissances publiques, figurait dans les rues, sur les places et les promenades de cette ville. L’église elle-même s’était parée avec grâce, et avait, on peut le dire, déployé toutes ses splendeurs. Une foule immense se pressait dans son enceinte pour entendre des artistes d’élite qui devaient exécuter une messe de Dietch, maître de chapelle à l’église de la Madeleine. Hâtons-nous d’ajouter que ces artistes ont dignement répondu à l’attente du public.
Le Kyrie a été dit par M. Fréret, basse-taille de l’Académie impériale de musiques, avec ses mâles accents qui caractérisent une organisation vocale des plus puissantes.
Le solo du Gloria a été chanté par M. Tasson, autre basse-taille du théâtre d’Avignon, dont la voix large et sonore est destinée, nous n’en doutons pas, à retentir sur une scène plus élevée.
C’est Mme Duménil qui, pour le Benedictus durant l’élévation, a laissé tomber de ces notes si pures et si suaves qu’elle a dû causer dans l’auditoire de biens douces émotions.
C’était M. Loüault, premier ténor de l’opéra de Marseille, qui a chanté l’Agnus, avec cette voix pleine d’éclat et de puissance, qui lui présage un si bel avenir.
M. Godefroy a exécuté sur l’harmonium de brillantes mais trop courtes symphonies, suffisantes toutefois pour nous faire apprécier l’immense talent de son jeu, dont est heureusement doué cet organiste distingué de la cathédrale de Rouen.
Remercions M. Calabrési, ancien chef d’orchestre et directeur du théâtre de Liége, qui a su réunir des talents si variés, et les diriger dans l’exécution de l’œuvre musicale dont nous parlons. Les uns et les autres ont droit à nos sympathies et à nos félicitations.
Durant la messe, une quête au profit de l’église a été faite par Mme Jom…, qui eu l’heureux don de la rendre productive, chacun voulant sans doute que son offrande passât par des mains aussi dignes de la présenter.
A la fin de la cérémonie une centaine d’ouvriers, tous membres de l’association mutuelle, se sont rendus sur la place centrale pour s’asseoir à un banquet auquel avaient été conviés quelques notabilités de la ville. La cordialité la plus franche, la gaieté la plus expansive n’ont cessé de régner durant ce repas que présidait l’honorable M. Mortera, dont le zèle dévoué et les soins intelligents ont si puissamment contribué à l’union et au développement de cette société. Des toasts et des discours souvent interrompus par de chaleureux applaudissements, ont été prononcés au dessert.
Dans l’après-midi, des jeux publics excessivement variés, des concerts pleins d’harmonie ont constamment fixé l’attention de la foule.
Mais que dire de la fête de nuit, et de l’animation des bals, et de l’éclat des illuminations, et de l’heureux succès obtenu par Ruggieri pour son feu d’artifice, dans lequel a été représenté le donjon du château de Milly avec ses tours et ses créneaux. Toute description nous paraît impossible.
En voyant cette affluence de monde qui partout tourbillonnait faisant éclater sa joie et son admiration, en voyant ses gerbes de feu qui sillonnaient les rues, toutes ces mille lumières aux couleurs si variées, et dont l’éclat scintillant semblait le disputer à la clarté du jour, au milieu de ce tumulte et de ce luxe éblouissant, on eût pu se croire subitement transporté dans une de nos grandes cités, et assister à une de ces fêtes nationales que les peuples, dans leur enthousiasme, décernent à leur souverain. Mais non, c’était bien Milly, cette petite ville industrieuse, si coquettement située dans la vallée qu’arrose l’Ecole, Milly, avec ses grandes allées ombragées qui l’entourent, avec ses roches pittoresques qui bornent son horizon. Milly enfin, qui tous les jours attend sa voie ferrée pour devenir ce qu’elle fut autrefois, la reine du Gatinais, c’était bien, disons-nous, cette petite ville si riche d’avenir qui fêtait avec cette magnificence les populations voisines.
Pour accomplir ce prodige d’enchantement, il a fallu non pas, comme diraient les poètes, la présence d’une fée, mais bien d’abondantes largesses d’une part et de l’autre, un goût sûr et éclairé qui en déterminât l’emploi. Avec ces deux éléments, on est toujours assuré de retrouver la baguette féerique du moyen-âge, celle d’or de notre siècle avec laquelle on crée souvent des merveilles et on charme la société. C’est à quoi sont parvenus avec le plus grand succès les organisateurs (1) de cette fête. Un résultat inespéré a couronné leurs efforts. Grâce leur soit rendu d’avoir si dignement rempli leur mission.
CARASSUS, docteur médecin.
Milly, 7 Juillet 1857
(1) MM. Delacourcelle, secrétaire de la Mairie ; Laribe, receveur de l’enregistrement ; Lonault, percepteur ; Mortera, président de la Société de Secours Mutuels ; François, Quinton et Toussain, conseillers municipaux.
Délibération du Conseil Municipale du 24 mai 1857,
qui fixe la fête patronale Saint-Pierre aux
dimanche et lundi qui suivent le 29 juin.
Défilé Place du marché