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dimanche 4 décembre 2016

Les escarmouches dans le canton de Milly


Synthèses des rapports des maires de Dannemois (1), de Courances (2), de Moigny (3), Soisy sur Ecole(4) ; du capitaine Bazin des francs-tireurs de Paris (5), de l’Agent voyer de Milly (6), de M. Adine, instituteur à Milly (7). Ils furent faits à la demande de M. le Préfet de Seine et Oise en septembre 1871.

La base de ce texte est le rapport de M. le Maire de Dannemois

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 Le seize septembre une compagnie de 120 francs-tireurs de la Seine (1), venant de Melun (5)   nous arriva commandée par MM. Bonnet, capitaine et Bazin, lieutenant, porteurs d'une lettre émanant de Milly signée de M. Fout adjoint, dans laquelle j'étais prié de loger chez les habitants, pendant un jour et demi ladite troupe, ce que je m'empressai de faire.

 Suite à une fausse alerte annonçant l’arrivée de l’ennemi, ils dressent des barricades à Milly,  arrêtent le maire de ce chef-lieu de canton, parce qu'il ne veut pas se défendre, et attendent.

 La brave population de Milly, électrisée par cette arrivée, se lève en masse. M. Dalier, vieux soldat d'Afrique, son fils aîné, qui a fait un congé, l'instituteur, M. Sergent, notaire, l'agent de la force publique, M. Poirier, M. Dornier, conseiller municipal et seize autres braves agriculteurs, nous prêtent main-forte et rivalisent d'audace, en faisant des reconnaissances aux environs. (5)

Les habitants se portèrent de la meilleure grâce à cette charge, les francs-tireurs furent fêtés et n'eurent qu'à se louer de l'accueil qui leur fut fait et de l'hospitalité qu'ils reçurent. Cette compagnie resta ainsi à Dannemois depuis le vendredi soir 16 septembre jusqu'au 18, jour remarquable pour la commune, car c'était celui de la fête patronale.

 A une heure trente de l'après-midi, les militaires se réunirent sur la place publique dans l'intention de repartir pour Milly afin d'y rejoindre le gros du bataillon quand arriva une estafette qui disait appartenir à une autre compagnie qui séjournais à Courances.

 Cet homme, déguisé en paysan, tout fraîchement rasé et monté d'un cheval de cultivateur, apportait l'ordre verbal au capitaine de se replier sur Moigny, attendu que l'ennemi approchait. Cet ordre paru suspect, et le courrier, inconnu des francs-tireurs, après l'avoir interrogé fut soupçonné d'être espion prussien et arrêté par l'ordre du capitaine Bonnet qui ne tint aucun compte de l'avis, et continua sans empressement à préparer sa troupe pour se rendre à Milly. Le moment venu, cet homme montra qu’il savait se battre en tuant cinq Prussien (5)

 Au moment où le clairon sonnait la marche de départ, les francs-tireurs aperçurent une avant-garde de cavaliers prussien à l'entrée du village du côté de la route de Melun. Se précipitant à sa rencontre la mirent en fuite et n'eurent que le temps de prendre position en dehors du village dans les broussailles et le petit bois désigné sous le nom de la Garenne. Ils avaient été rejoints par des habitants de Milly (6) – Quelques minutes après, un corps de troupe de 200 hommes environ vinrent à l'attaque et fut également repoussé avec des pertes considérables ; mais la colonne qui suivait se composait de près de quatre mille hommes, et était muni d'une batterie d'artillerie de 8 pouces qui tournèrent immédiatement sur Dannemois. Heureusement le village est encaissé. Dans la vallée de l'Ecole, et les projectiles faisaient peu de mal. Le combat dura environ deux heures et fut meurtriers, particulièrement pour les prussiens qui perdirent beaucoup de monde. Cependant il est difficile d'évaluer exactement leurs perte, certaines personnes assurent que de l'attestation même des Prussiens, ils auraient perdu 250 hommes tués, et suivant d'autres seulement 140 . Il y eu de leur côté 60 blessés grièvement ; ce nombre ne peut être dissimulé comme celui des morts qui furent enterrés pendant la nuit dans les bois.

 Du côté des francs-tireurs, il y eut également des appréciations. D'après les morts qui furent enterrés par les prussiens de faire être bien reconnu, on évalue les pertes à sept hommes ; et suivant les manquants à l'appel, 20 auraient succombé ; il y eut également quelques blessés et quatre à cinq prisonniers.

 Parmi les morts prussiens, et un des premiers, fut le jeune Lüh***, disent les uns, et suivant d'autres, le prince de Horn, qui tomba à l'entrée du village, sur le bord de la rivière d'Ecole, son corps fut inhumé provisoirement dans le cimetière de Cély (Seine et Marne).

 Le lendemain un sous-officier Prussien me conduisait sur le lieu où avait été tué cet officier supérieur, et me dit : « Voici la place où est tombé notre vaillant compatriote ; plus tard, vous serez requis de la faire connaître à l'autorité prussienne, attendu que le jeune homme qui a été frappé là appartenait à une des plus grande famille d'Allemagne, et que nous avons l'intention d'acheter le terrain pour y élever plus tard un monument quant à son corps il sera rendu à sa famille.

 Pendant que ces faits s'accomplissaient, et avant que les francs-tireurs n’aient battus en retraite du côté de Moigny, le pays n'étant pas encore cerné par les prussiens, Dannemois fut abandonné par les habitants qui se sauvèrent dans les bois du côté de la commune de Videlles, emmenant avec eux tout ce qu'ils purent de bestiaux et quelques  vivres. Hommes, femmes et enfants tous partirent et abandonnèrent le village sauf une douzaine d'hommes et quelques femmes qui restèrent malgré le tableau effrayant qu'ils avaient sous les yeux. De mon côté, fidèle à ma détermination première je suis resté chez moi avec ma famille. Aussi, ce fut à mon domicile que des soldats prussiens vinrent nous trouver, mon fils et moi, nous déclarant prisonniers, et enfin nous conduisirent sur la place publique, en nous maltraitant de la plus dure façon. Ce fut à notre arrivée sur la place, où stationnait un détachement prussien, que nous fûmes contraints de nous agenouiller pour être fusillés, vu que tel était l'intention des hommes qui nous avaient arrêtés.

 Néanmoins, pour le moment ils différèrent notre exécution, et Dannemois fut livré au pillage pendant que nous restions gardés par des soldats qui avaient continuellement l'arme braquée sur nous. Les maisons sont dévastées, les meubles brisés et tout ce que purent emporter les soldats fut leur proie. Ils menacèrent d'incendier tout le village et en effet ils commencèrent l'incendie, au moyen d'allumettes, dans la partie des maisons où l'officier supérieur avait été tiré. Leur fureur était au comble et semblait provenir principalement de la perte du Prince de Horn. Cependant l'incendie se trouva restreint dans la partie voisine de l'endroit où avait eu lieu la rencontre des troupes ennemies et 15 ménages ont ainsi perdu pendant la journée du 19 tout ce qu'ils possédaient, mobilier, abri et vaisselles, et se sont trouvés réduits à la misère. Nous nous sommes réunis, les habitants les plus aisés et nous avons paré aux premières exigences d'un tel état de choses pendant le temps nécessaire pour permettre aux victimes de se rétablir dans leurs foyers et d'y  pourvoir à leurs besoins. La perte totale subie par les quatorze ménages s'élève à cinquante mille francs environ.

Les Prussiens pendant la nuit du 18 au 19 campèrent dans la plaine située entre Courances, Cely et Dannemois. Ce fut là qu'ils nous conduisirent mon fils et moi, et là aussi que nous trouvâmes que les habitants qui étaient restés chez eux et qu'ils avaient emmené prisonniers. Ils nous gardèrent tous jusqu'au lendemain à midi, nous refusant toute nourriture, sans même autoriser nos femmes à nous apporter des vivres.

 Tout ce dont les troupes ennemies eurent besoin en denrées de toute nature, elle le tirèrent avec profusion de Cely, de Courances, mais principalement de Dannemois dont ils auraient voulu l'anéantissement au moment de la levée de leur camp pour continuer leur route du côté de la Loire. Un officier me prit et me conduisit à l'état, me dit : « M. le maire, vous avez demandé des francs-tireurs ; vous en hébergiez et vous en subirez encore les conséquences, vous n'avez pas été fusillé, c'est vrai, mais vous serez pendu ; entendez-vous bien ? »

Malgré cette menace et surtout grâce aux prières et à l'insistance de ma femme, ils nous mirent en liberté le moment de leur départ.

Cette troupe s'est ensuite dirigé sur Brétigny en passant par Moigny où ils incendièrent des meules de foin.

Quant aux francs-tireurs, ils partirent pour Malesherbes (5)

Depuis le combat de Dannemois, une douzaine de détachement prussiens sont passés dans la commune qui sans être autant maltraité que dans les journées du 18 et 19 septembre, n'en a pas moins souffert des exactions des troupes ennemies, et à plusieurs reprises, les habitants maltraités se trouvaient dans l'extrême nécessité d'abandonner leurs domiciles.

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 A la poursuite des francs-tireurs parisiens, les Prussiens envahirent la commune de Courances, firent des réquisitions d’avoine, de paille  et de deux vaches et les firent conduire au camp retiré de deux kilomètres du village. Et le soir arrêtèrent le maire et le sommèrent de livrer 600 portions pour le lendemain. (2)

Le 30 ils arrivèrent à la mairie et se firent donner les armes de guerre et autres.

 Le 19, les Prussiens entrèrent dans Milly. 2 francs-tireurs attardés furent faits prisonniers.

Le 24 septembre, 57 prussiens sont venus de Corbeil à Milly pour des réquisitions. Ils quittent la ville dans l’après-midi et au passage de la Montignotte, 35 francs-tireurs et une vingtaine d’habitants de Milly font feu sur eux : deux cavaliers restèrent sur le terrain, à côté d’un troisième, un courrier tué une demi-heure avant, par des gardes nationaux embusqués. Les dépêches récupérées ont été portées aux avants postes de l’armée de la Loire. La colonne a eu encore à essuyer le feu d’autres francs-tireurs embusqués sur la route de Corbeil, au lieu-dit château vert, le saut du postillon, bois de Nainville, etc. Il paraît que sur les 57 peu d’entre eux sont rentrés à Corbeil sans blessures. Ce jour-là, les voitures de réquisition, qui étaient conduites par des paysans sont revenues avec leur chargement.

Le 26 septembre, les francs-tireurs attaquèrent à Soisy sur Ecole, des Prussiens (Hussards de la mort) qui abandonnèrent un convoi d’avoine qu’ils venaient de réquisitionner à Moigny. La recherche d’armes fut le prétexte à piller le village. (4)

Le 28 septembre, environ 2000 hommes, piétons et cavaliers (800 selon le maire), ont été envoyés de Corbeil pour réquisitionner à Milly. En passant à la Montignotte, l’avant-garde fut attaquée par les francs-tireurs (3, 5) et les habitants. Apercevant l’infanterie qui se disposait à cerner le bois, ils battre en retraite au plus vite. Les prussiens firent 6 prisonniers et les emmenèrent à Milly avec deux autres blessés qui succombèrent à leur blessure. En battant les bois, les Prussiens le feu dans le champtier dit « La gorge à Véron » Dans la soirée, les habitants de Milly eurent fort à souffrir de l’exaspération des Prussiens.

Le Lendemain, ils firent prisonnier beaucoup de propriétaires et notabilité qu’ils gardèrent comme otage ; 15 sont restés en prison à Corbeil pendant une vingtaine de jours ; quant aux six prisonniers faits à la Montignotte, ils restèrent à Corbeil et après, furent envoyés en Prusse d’où ils revinrent fin décembre après paiement de la rançon. (7)

Le 31 janvier, des prussiens ont été attaqués à 2 kilomètres de Courances : ils demandent deux otages pour les protéger jusqu’à Milly (2)

1 : registre du Conseil municipal de Dannemois en date du 12 septembre 1871
2-3-4-7 : AD78 – 4M1/94
5 : 1er bataillon de francs-tireurs- Paris Chateaudun- François Bazin -Sausset-1872
6 : AD78- 4M1/66

Maurice GELBARD

Monuments des Francs-Tireurs