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lundi 9 avril 2012

L'éducation du ver à soie de l'ailante faite à Milly de 1866 à 1872

EDUCATION
DU
VER A SOIE DE L’AILANTE
(BOMBYX CYNTHIA)
FAITE  A MILLY (SEINE-ET-OISE)
DE 1866 A 1872
PAR M. J. USEBE

 
Mon exploitation consiste en 3 hectares dépendant de mauvais bois d’une étendue totale de 75 à 80 hectares ; ils sont entourés de trois côtés par ces bois, et du quatrième côté par des terres cultivées dont ils sont séparés par un chemin public d’exploitation. Ils peuvent être estimés 400 francs l’hectare. Ces 3 hectares forment un carré à peu près régulier, adossé à une colline d’une asses grande déclivité et orienté à l’ouest. Le sol est composé presque exclusivement de sable siliceux légèrement mélangé de calcaire en quelques parties et parsemé de grosses roches de grès. Dans ces terrains très légers, et surtout dans les parties inférieures, les végétaux sont exposés aux gelées souvent fort tard dans la saison ; on en a eu un exemple frappant en 1871, où, dans la nuit du 17 au 18 Mai, le thermomètre est descendu à près de 5 degrés.


Il résulte de ces circonstances climatiques que le Chêne planté dans ces terrains, gelant presque tous les ans, ne peut s’élever et reste le plus souvent à l’état de buisson, qui ne dépasse pas 1,50 m à 2 mètres de hauteur, quelquefois moins encore. C’est ce qui m’avait décidé à défricher cette partie de bois pour y planter des Ailantes.

Le défrichement a été opéré dans les deux hivers de 1866-67 et 1867-68, et la plantation faite en lignes horizontales espacées de 2 mètres entre elles, et les plants écartés de 1 mètre l’un de l’autre, ce qui comportait 15 000 plants pour la totalité.

Dans les deux années 1868 et 1869, j’ai racheté encore 4 700 plants pour remplacer les sujets manquants. Depuis, les rejets ont suffi, et au-delà, à combler les vides. Je crois, que dans terrains aussi mauvais que le mien, l’écartement de 1,50 m entre les lignes serait suffisant, et qu’on arriverait ainsi à garnir plus rapidement le terrain.

La plantation a toujours été nettoyée soigneusement chaque année, à la pioche, pour détruire les mauvaises herbes, et surtout le chiendent, dont l’invasion suffit pour étouffer complètement les jeunes plants. Avec ces soins et en recevant complètement les souches tous les ans aussitôt après les grandes gelées, on obtient, même dans de très mauvais terrains, une végétation magnifique, car, sauf quelques parties où la plantation est restée grêle et mal venue, j’ai obtenu, en moyenne, au bout de quatre ans, sur chaque souche, trois ou quatre rejets annuels de 2 mètres à 2,50 m de hauteur, et j’en ai mesuré quelques-uns qui ont atteint dans l’année, la hauteur de 3,50 m. Sur ces tiges, les feuilles avaient jusqu’à 1,25 m de longueur et étaient composées de folioles énormes.

EDUCATION DE 1869

J’ai commencé mes éducations, en 1869, avec 30 grammes de graine que m’avaient vendus M.Givelet, de Flamboin (Seine-et-Marne) et 620 œufs qui m’avaient été donnés par M. De Milly, de Canenx (Landes).

Les vers ont été élevés à l’intérieur jusqu’au quatrième âge et porté alors en plein air sur les arbres, sauf quelques centaines qu’on a conservés à l’intérieur jusqu’à la fin.

Les 620 œufs de M. de Milly ont produit 400 cocons, et les 30 grammes d’œufs de M.Givelet 3 900 cocons, en tout 4 300 cocons.

Les premiers œufs ont éclos le 9 Juillet, les premiers cocons ont paru le 12 Août.

Environ 200 papillons sont sortis du 1er au 15 Octobre, et ont produit 15 grammes d’œufs qui ont passé l’hiver et n’ont pas pu éclore l’année suivante.

Le surplus des cocons a été conservé à l’entrée d’une cave peu profonde.


EDUCATION DE 1870


Je les en ai sortis le 23 Juin 1870 pour la seconde éducation. Les premiers papillons ont paru le 5 juillet. Jusqu’au 26 août, il est sorti 3 077 papillons, dont 235 avortons et 1 421 couples, dont la ponte a fourni 830 grammes d’œufs. Dans l’incertitude de la réussite, j’avais acheté encore 40 grammes d’œufs à M.Givelet. L’éducation a marché très régulièrement jusqu’en septembre ; malheureusement, la récolte a été interrompue par l’invasion prussienne, et la majeure partie des cocons est restée dans les bois, où les ouvriers ne pouvaient plus aller les chercher ; la cabane où ils déposaient leurs effets et leurs outils a été incendiée, et les ouvriers eux-mêmes maltraités et menacées d’être fusillés si on les rencontrait encore dans les bois.

Le peu de cocons recueillis avait été déposé en mon absence dans une cave trop humide ; une partie a pourri, une autre partie a été mangée par les rats ; de sorte que, lorsque je suis revenu après le siège de Paris, il ne restait que 18 500 cocons intacts.

EDUCATION DE 1871

Le 27 Mai, les cocons ont été sortis de la cave ; les Ailantes avaient gelé entièrement dans la nuit du 17 au 18. Les premiers papillons ont paru le 26 juin. Jusqu’au 10 août, j’ai recueilli 4 692 couples qui ont produit 2 k 367 œufs et 1 560 papillons avortés ou qui ne se sont pas accouplés. A partir du 11 août, j’ai laissé échapper les papillons, ayant déjà beaucoup plus de graine que je n’en pouvais employer. Les premiers vers sont éclos le 16 juillet, et les premiers cocons sont du 15 août. Tous ces vers ont été élevés à l’intérieur les trois ou quatre premiers jours et portés en plein air dans le second âge. Jusqu’au 19 octobre, il a été recueilli 750 kilogrammes de cocons environ.

La rigueur exceptionnelle de l’hiver de 1870-71 ayant fait périr une assez grande quantité de plans d’Ailante et la gelée du 18 mai ayant détruit les premières feuilles, cette quantité ne représente que les deux tiers de celle qu’on pourrait obtenir au maximum ; en sorte qu’en une bonne année, je pourrais récolter 1200 kilogrammes de cocons, soit 400 kilogrammes par hectare.

En 1870, chaque femelle a produit en moyenne 0 gr, 584 d’œufs, à raison de 497 œufs au gramme.

En 1871, chaque femme a produit en moyenne 0gr, 504, à raison de 488 œufs au gramme.

Les cocons pleins, pesés frais, pesaient 3kg180 le mille, soit 314 par kilogramme.

Les mêmes cocons sortant de la cave l’année suivante pesaient 2kg730 le mille, soit 366 par kilogramme.

Les cocons vides sont au nombre de 2000 environ par kilogramme.

Frais d’établissement et d’éducation pour 3 hectares de 1866 à 1871
L’année 1871 peut être considérée comme une année normale sous le rapport de la dépense. Il en résulte que, vu les frais exceptionnels que j’ai dû faire pour défricher et qui se sont élevés beaucoup trop, à cause de mon inexpérience à cette époque, on peut considérer le prix de 1 franc comme étant le prix de revient des cocons frais et pleins, et qu’on sera exposé à peu de mécomptes en calculant sur ce chiffre.

N’ayant pas vendu ma récolte, je n’ai pas voulu faire de frais en 1872, et, en conséquence, je n’ai fait ne receper les arbres, ni cultiver la plantation. Je me suis borné à y placer de jeunes vers, de manière à conserver la race avec le moins de dépense possible. Le résultat a confirmé l’importance du recepage annuel et de la culture, car au lieur de 750 kilogrammes de cocons, je n’ai récolté que 100 kilogrammes environ, et cependant les feuilles avaient été entièrement mangées. Cette pénurie de feuilles provenait de trois causes : d’abord, de la gelée extraordinaire du 8 décembre 1871, où le thermomètre est descendu à Milly à 25 degrés, ce qui a fait périr beaucoup de souches ; ensuite de ce que les souches n’ont pas été recepées et ont produit, par conséquent, des pousses beaucoup plus faibles, surtout après que les tiges avaient ainsi souffert de la gelée ; en troisième lieu, de l’absence de culture, qui a diminué encore la force végétative des Ailantes. Aujourd’hui toutes les expériences sont faites et donnent la certitude absolue de réussite du Ver à soie de l’Ailante, du moins sous le rapport de l’éducation, dont je me suis seulement occupé. Il reste à obtenir le même succès dans la filature, ce dont je ne doute pas, quand on voudra s’en occuper sérieusement ; le bas prix du cocon permet de tirer bon parti de ce nouveau textile.

Sources : Bulletin mensuel de la Société d'Acclimatation" 2° série-Tome X   année 1873

L'Ailante glanduleux, Ailante ou Faux vernis du Japon ou Vernis de Chine (Ailanthus altissima) est un arbre à feuilles caduques de la famille des Simaroubaceae. Il est natif à la fois du nord-est et du centre de la Chine et de Taïwan. Il est présent davantage dans la forêt tempérée que dans la forêt subtropicale d’Extrême-Orient. L'arbre pousse vite et est capable d'atteindre des hauteurs de 15 mètres en 25 ans. Cependant, l'espèce a également une durée de vie courte et vit rarement plus de 50 ans.



Dans certains pays, l'ailante est devenu une espèce invasive en raison de sa capacité à coloniser rapidement des zones perturbées et à entraver la croissance et la régénération des espèces indigènes par effets allélopathiques. Il est considéré parmi les plantes les plus nuisibles. L'arbre repousse aussi vigoureusement quand on le coupe, ce qui rend son élimination difficile et longue. De plus, il produit de nombreuses graines (300 000 par pied et par an). Dans de nombreuses régions, il a acquis le surnom ironique de frêne puant